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PORT-ROYAL.

ce point et à l’égard de Rome un coin précisément de la même thèse (sauf conclusion) que le calviniste Melchior Leydecker devait soutenir plus tard contre Quesnel ; et Quesnel, pour compléter sa Réfutation de Leydecker, n’avait rien de mieux à faire que de publier la Réfutation qu’Arnauld avait opposée autrefois à l’opinion de Pascal.

Au reste, ces deux Écrits d’Arnauld sont, il faut le dire, vraiment pitoyables, et font honte au bon sens à force d’appareil logique. Il procède par maximes : première Maxime, seconde Maxime, etc. ; il arrive ainsi jusqu’à onze, dont les deux dernières sont générales et servent de fondement à toutes les autres. Il applique cet échafaudage à la question qu’il en étouffe ; on y perd tout le droit sens et le vif de la réalité. En examinant ensuite un Écrit de Domat qui avait répondu au nom et sous les yeux de son ami Pascal trop malade pour prendre la plume, Arnauld procède de la sorte : Premier défaut général de cette Réponse, second défaut général,… et il arrive intrépidement jusqu’au huitième défaut général. Ce sont là les faiblesses et les débauches d’esprit du grand docteur[1].

Arnauld s’étonnait dans cette seconde Réponse que la première n’eût pas été bien comprise de ses contradicteurs. Lorsque, bien des années après, il engagea sa célèbre guerre avec Malebranche, celui-ci se plaignait également de n’avoir pas été bien compris de M. Arnauld ; sur quoi Boileau lui disait : « Et qui donc voulez-vous qui vous entende, mon Père, si M. Arnauld ne vous entend pas ? » On eût été plus fondé encore à dire, dans le cas présent, à l’illustre argumentateur :

  1. Nicole qui, dans ce débat, prêta la main à Arnauld, comme Domat à Pascal, a fait de ce dernier une Réfutation aussi, qui est bien subtile. (Voir le manuscrit, T. 2199, Bibliothèque Mazarine.)