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PORT-ROYAL.

couvrir de bien sérieuse à notre sens, et le peu que nous avons vu, nous l’avons dit. Les relations directes et mystérieuses des Jansénistes et de Messieurs de Port-Royal, comme parti, avec le cardinal de Retz, ne se nouèrent qu’à dater de son emprisonnement, et surtout de sa fuite : il faut bien distinguer ce second temps d’avec celui de la Fronde, et Joly reconnaît que le Cardinal son maître n’y eut pas du tout les mêmes amis. » Une considération d’influence et d’étiquette (ceci est curieux à savoir) avait toujours contribué à retenir, à entraver la liaison de Retz avec les Jansénistes, tant que le Coadjuteur avait été libre et présent de sa personne. J’ai sous les yeux une pièce authentique et confidentielle, émanée de La Trappe, où je lis ce passage : u L’abbé de Rancé se ressouvint d’avoir ouï dire plusieurs fois à une des personnes du monde les plus qualifiées (le cardinal de Retz) que les Jansénistes avoient voulu l’engager dans leur parti, mais qu’ils lui imposaient une condition dont il n’avoit pu s’accommoder, qui était que, quand il serait question de prendre des résolutions, sa qualité ne serait point considérée, et qu’il n’aurait parmi eux sa voix que comme un autre. » Cette confidence ne peut se rapporter qu’au temps où Rancé voyait beaucoup Retz, et où celui-ci n’avait pas encore par devers lui toute l’autorité d’un archevêque titulaire, en un mot au temps de la vraie Fronde. On reconnaît là le coin de républicanisme et de presbytérianisme primitif, particulier aux fils de Saint-Cyran. De plus politiques n’auraient point fait à l’avance une pareille condition de nature repoussante au puissant allié qui s’offrait, et ils se seraient contentés de le neutraliser dans l’occasion. Nos roides et raisonneurs amis n’en étaient pas à ce degré de pratique. Mais dès qu’il fallut écrire, faire feu de leur plume pour un captif, pour un absent et un persécuté, oh ! alors c’était leur vrai terrain, et ils ne demeu-