esprits. « Despréaux, écrit madame de Sévigné, soutint les Anciens à la réserve d’un seul moderne qui surpassoit à son goût, et les vieux et les nouveaux. » Ainsi Boileau se trouvait tout à fait d’accord avec Perrault sur un point, un seul point, de la fameuse dispute : Pascal faisait ce miracle, avant qu’Arnauld les réconciliât. On a souvent cité cette anecdote racontée par Voltaire : « L’Évêque de Luçon, fils du célèbre Bussi[1], m’a dit qu’ayant demandé à M. de Meaux quel ouvrage il eût mieux aimé avoir fait, s’il n’avait pas fait les siens, Bossuet lui répondit : Les Lettres Provinciales. » Voilà ce qu’on peut appeler des couronnes.
Tous les grands écrivains survenants ont à leur tour ratifié ce renom des Provinciales, soit par des éloges directs, soit par des ressouvenirs évidents. La Bruyère, qui travaille à imiter Montaigne et qui y fait merveille, a échoué pour Pascal dans ses Dialogues du Quiétisme[2]; il a mieux réussi par Onuphre. Montesquieu, débutant aussi par des Lettres moqueuses, y parle du Jansénisme en des termes qui célèbrent à leur manière le triomphe et le prestige des premières petites Lettres :
« J’ai ouï raconter du Roi (Louis XIV) des choses qui tiennent du prodige, et je ne doute pas que tu ne balances à les croire[3]. On dit que pendant qu’il faisoit la guerre à ses voisins, qui s’étoient tous ligués contre lui, il avoit dans son royaume un nombre innombrable d’ennemis invisibles qui l’entouroient. On ajoute qu’il les a cherchés pendant plus de trente ans, et que, malgré les soins infatigables de
- ↑ Cet évêque, le plus aimable des hommes de Cour, avait le travers d’être le plus moliniste des prélats : et il y aurait à soupçonner Bossuet de lui avoir voulu faire une malice dans sa réponse, si telle chose que la malice pouvait s’associer à l’idée de Bossuet.
- ↑ En supposant que les Dialogues qu’on a imprimés soient de lui. M. Walckenaer se prononce pour la négative.
- ↑ Lettre XXIVe de Rica à Ibben.