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PORT-ROYAL.

l’Exécuteur de haute-justice sur le pilori de la Place des Prêcheurs de cette ville. » Ce que la Gazette na disait pas, c’est que les mêmes magistrats provençaux qui condamnaient publiquement au feu les petites Lettres en faisaient tellement cas en leur particulier, et avaient tellement peine à en sacrifier un seul exemplaire, qu’ils ne donnèrent à brûler, assure-t-on, qu’un Almanach ; on ne sacrifia qu’une biche à la place d’Iphigénie[1]. Quand Wendrock eut paru, les Jésuites entreprirent (1659) d’arracher une semblable condamnation au Parlement de Bordeaux ; mais la magistrature ayant jugé utile de consulter la Faculté de Théologie du lieu, celle-ci répondit (6 juin 1660) en déclarant le livre exempt d’hérésie[2]. On la punit en obtenant un ordre du Roi qui suspendit pendant quelque temps les professeurs. Cependant le grand coup se préparait au centre. Messieurs Le Tellier et de

    FOI DES JANSÉNISTES, ordinairement mêlée aux Provinciales, mais qui n’est ni de Pascal ni d’aucun de Port-Royal. La dix-septième Lettre véritable, datée du 23 janvier 1657, ne parut que quelques jours après cette date du 23 ; et dans tous les cas elle n’arriva à Aix que trop tard pour être comprise dans l’Arrêt exécuté dès le 9 février. — Les variantes qu’on trouve sur la date précise de cet Arrêt tiennent sans doute à ce que les juges un peu honteux en remanièrent après coup le texte, et à ce qu’on tâtonna avant de le remettre au greffe.

  1. Hermant, Mémoires manuscrits. Le premier Président du Parlement d’Aix, M. d’Oppède, mérite, rien que pour ce trait d’esprit, que son nom se conserve à côté de ceux du premier Président de Bellièvre et de M. de Pontac, premier Président du Parlement de Bordeaux ; d’aussi soigneux bibliophiles ne sont jamais de mortels ennemis. — On saisit déjà les signes précurseurs de l’époque suivante, de ce dix-huitième siècle dont on a dit : « La liberté plaisait à la bonne compagnie, la première puissance de cette époque. Les livres qui flattaient son esprit furent donc accueillis avec empressement. Tel qui en requérait la lacération eût rougi de ne pas les avoir dans sa bibliothèque ; et plus d’un lisait par goût les pages qu’il faisait brûler par convenance. » (De la Liberté de la Presse, brochure de M. de Rémusat, 1819.)
  2. Bibliothèque de l’Institut, collection Godefroy, portefeuille 15.