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LIVRE TROISIÈME.

Ce frais et gaillard Saint-Amour, la fleur de l’École comme dirait plus élégamment Bossuet, était déjà allé deux fois à Rome, avant d’y faire l’avocat d’office du parti. Une première fois, n’étant que licencié, en 1646, il y avait accompagné M. de Souvré, l’abbé de Bassompierre et autres jeunes gens de qualité. Une seconde fois, en 1650, il y était retourné, comme pour le Jubilé, mais très-probablement dans un but moins dévotieux ; il s’était rendu à la ville sainte par la route de Genève, dit encore le malin Brienne. Le fait est qu’il y servit dès lors et y étudia sur le terrain les intérêts engagés de ses amis, balançant de son mieux l’action du Père Annat. Il put voir combien Jansénius y était en mauvaise odeur, combien son Hœreo, fateor, à propos de la Bulle de Pie V[1], restait au gosier des Romains. Il donna conseil dès lors de ne point mêler du tout ce nom dans la cause et de se retrancher à saint Augustin. Ce fut toute une tactique très-opposée à la première droiture invincible de Saint-Cyran ; mais nous commençons fort, ce semble, à la perdre de vue.

Je ne sais même si, politiquement, on y gagna : les théologiens français, en séparant leur cause de celle des théologiens de Louvain, se trouvèrent en définitive plus faibles.

Après quatre ou cinq mois de séjour, à ce second voyage, Saint-Amour quitta Rome un peu à la hâte (13 avril 1651), sachant qu’il n’avait pas tenu à ses ennemis de lui faire goûter des prisons de l’Inquisition : il paraît que, tout en se croyant prudent, il avait parlé trop haut selon son usage de Sorbonne ; mais le Pape avait

    jusqu’ici. Si on le retrouvait ( et on m’entendra exprimer plus d’une fois ce désir), toute la seconde moitié de l’histoire de Port-Royal en serait éclairée d’une foule de feux-follets, qui, accueillis avec réserve, serviraient du moins à l’égayer.

  1. Précédemment, page 146 du tome deuxième (liv. II, chap. XI).