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PORT-ROYAL.

Elle arrive ensuite aux termes du Mandement ; elle en parle d’autant plus à son aise qu’elle sait bien au fond de quelle plume il est sorti. Cette circonstance explique l’espèce d’insistance et même d’ironie qu’elle y met : « J’admire la subtilité de l’esprit, et je vous avoue qu’il n’y a rien de mieux fait que le Mandement. Je crois qu’il est bien difficile de trouver une pièce aussi adroite et faite avec tant d’art. » Si c’était un hérétique qui eût rédigé de la sorte son Symbole pour échapper à la condamnation sans désavouer son erreur, elle le louerait volontiers, dit-elle, elle le louerait, mais de la louange

    de Saint-Cyran, définissant l’Église, s’est contenté de dire qu’elle étoit la Compagnie de ceux qui servent Dieu dans la lumière et la profession de la vraie Foi et dans l’union de la vraie Charité, sans parler du Pape ni des Évêques qui la gouvernent. Cette définition que j’ai trouvée dans leurs Écrits m’est devenue suspecte, lorsque j’ai su que plusieurs personnes qui leur ont souvent représenté cette omission n’ont jamais pu les résoudre de la changer. Elle m’a paru faite à dessein, lorsque je l’ai trouvée dans tous les Catéchismes dont on se servoit dans la maison pour instruire les enfants. J’en ai deux manuscrits : dans l’un, l’Église est définie la Compagnie des fidèles Serviteurs de Dieu ; dans l’autre, l’Assemblée des vrais Serviteurs de Dieu qui vivent sur la terre, sans qu’il soit parlé, ni dans l’un ni dans l’autre, du Pape ni des Évêques… » Cette définition de l’Église dans le sens primitif nous cause un peu moins de scandale qu’à M. Chamillard ; seulement il ne faut pas trop accuser celui-ci, comme on l’a fait, d’avoir calomnié. — Ce fou de Des Maretz de Saint-Sorlin, dans sa Réponse à l’insolente Apologie… (1666), s’est emparé, pas trop follement cette fois, des paroles de la Sœur Euphémie sur l’Église invisible, comme d’une pièce de conviction : « C’est, dit il, un fameux principe du Jansénisme, par lequel, en conservant leur erreur ils veulent demeurer dans l’Église, malgré l’Église… Mais il ne a suffit pas que les Chrétiens soient unis ensemble par le lien de la Charité, il faut qu’ils soient unis aussi par le lien de la Foi. » (Pages 69, 70.) — En mettant ainsi ces textes en présence, je n’ai, qu’on veuille bien le comprendre, qu’un seul but : ce n’est pas d’infirmer la beauté du sens et du langage émanés du vrai Port-Royal, mais simplement d’en faire apprécier la portée, que les Nicole au contraire et les autres défenseurs officiels ont diminuée depuis lors et recouverte tant qu’ils ont pu.