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PORT-ROYAL.

Monsieur, que je ne dois rien avoir de secret pour elle ; c’est pourquoi je vous supplie de lui dire que c’est mon fils[1] qui l’a faite. Mais je la supplie très-humblement de n’en rien témoigner à personne. Je n’excepte rien, et je vous demande la même grâce ; et, afin que vous en sachiez la raison, je vous dirai toute l’histoire. Vous savez que M. de La Chaise en avoit fait une, qui étoit assurément fort belle[2] ;

  1. Étienne Périer, dont il a été question plus haut ; il n’avait alors que vingt-sept ans, et il mourut à trente-huit. Élevé dès son bas âge par son grand-père Pascal, puis aux petites Écoles de Port-Royal, il avait ensuite reçu la dernière main de Pascal son oncle : cela peut s’appeler une éducation.
  2. Nous touchons ici à la solution d’une petite difficulté bibliographique, qui ne laissait pas que d’intriguer ceux qui examinent de très-près les choses. Le Discours sur les Pensées de Pascal, qui devait servir de Préface à la première édition, et qu’on écarta pour les raisons auxquelles madame Périer nous initie, est généralement attribué à M. Du Bois, l’un des membres du Comité. En effet, ce Discours qui parut pour la première fois en 1672, augmenté d’un autre Discours sur les Preuves des Livres de Moïse, est muni d’une Approbation de Docteurs, qui le donne positivement comme ayant été composé (ce sont les termes) par M. Du Bois de La Cour. Comment ne pas croire à des paroles aussi formelles ? Ce n’est que le second Discours, traitant des Preuves des Livres de Moïse, qu’on accordait communément à M. de La Chaise. Or, il devient difficile, ou plutôt impossible, de concilier cette opinion avec l’assertion précise et irréfragable de madame Périer. De même qu’il est bien certain maintenant que la Préface de la famille est de M. Etienne Périer, de même on ne saurait douter que l’autre Préface ne soit de M. de La Chaise. Du Bois de La Cour n’est qu’un prête-nom ou même un faux nom, car le Du Bois du Comité, et qui fut de l’Académie, s’appelait Goibaud Du Bois. L’abbé Goujet était donc bien informé quand il contredisait l’opinion générale (voir Mémoires de Niceron, tome XX, page 97), et qu’il assurait, d’après un témoignage confidentiel, que les deux Discours appartenaient en effet à M. de La Chaise. Barbier s’était rangé à l’avis de Goujet. Mais il fallait une autorité comme celle de madame Périer pour lever toute incertitude. — M. Filleau de La Chaise était de Poitiers, et de l’intimité de M. de Roannès ; il avait pour frère M. des Rillettes, si finement loué par Fontenelle. Il est auteur d’une Histoire de saint Louis, qu’il composa sur des mémoires de M. de Tillemont, et qui eut elle-même, avant de paraître, à subir bien des accrocs et des mésaventures. Le pauvre homme, comme auteur, était plus estimable qu’heureux.