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PORT-ROYAL.

non moins polies ; la surveillance continuelle, la douceur et la gravité des maîtres, douceur sans caresse, gravité sans châtiment ; un certain respect des condisciples entre eux ; une certaine chaleur pieuse de foyer domestique subsistante au sein de l’École, et un sentiment de patrie. 3° Les belles-lettres enfin, autant et mieux que dans les Collèges, et en moins de temps ; une culture appropriée à chaque esprit ; la raison toujours présente dans l’enseignement, plutôt que la coutume. Ici pourtant quelques distinctions deviennent nécessaires.

Pascal a dit ; « Les enfants de Port-Royal, auxquels on ne donne point cet aiguillon d’envie et de gloire, tombent dans la nonchalance. » Ce reproche de manquer d’émulation est grave, et tout d’abord je ne le dissimule pas.

Je ferai remarquer pourtant que l’observation de Pascal est double, et porte en deux sens, selon son habitude. Il a commencé par dire : « L’admiration gâte tout dès l’enfance. Oh ! que cela est bien dit ! qu’il a bien fait ! qu’il est sage ! …[1] » Il semble noter dans cette première vue les inconvénients d’un genre d’éducation ; et par la pensée sur Port-Royal, qui ne vient qu’après, il note tout aussitôt les inconvénients contraires. Pascal paraît vouloir dire qu’il y a, également inconvénient à louer l’enfance, et à ne la pas louer ; et, en effet, si la vanité est à craindre, la paresse ne l’est pas moins, comme disposition très-naturelle aux esprits. Port-Royal voulait l’étincelle, mais il la voulait dans les cœurs plutôt encore que dans les esprits. Il voulait des esprits réglés, et des cœurs brûlants de zèle : la science ne venait qu’en second ordre et moyennant de certaines précautions. Lancelot a cité de M. de Saint-Cyran un trait qui est mémorable. Étant à l’abbaye même de Saint-Cy-

  1. Voir l’édition de M. Faugère (tome I, page 204).