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PORT-ROYAL.

semble doux à côté. Aussi éloigné de la moindre complaisance que de la dureté extrême, Port-Royal encore ici nous offre le media quidam ratio jusque dans la voie austère.

Une grande douleur pour M. de Beaupuis, après la mort de M. Hermant, son digne maître (1690), fut celle de M. de Tillemont, son disciple chéri à la fois et respecté. M. de Tillemont, à son tour, regardait M. de Beaupuis comme son véritable père en Dieu. Dans sa dernière maladie, il souhaita de le voir ; et M. de Beaupuis se mit en route, sans égard ni à son grand âge, ni à la rigueur de la saison (janvier 1698) : il arriva à temps pour le voir mourir. « La vénération singulière que M. de Tillemont avoit pour lui faisoit qu’il ne prenoit rien en sa présence, et surtout de ce qui lui étoit ordonné par les médecins, qu’il ne le priât d’y donner sa bénédiction[1]. » M. de Tillemont, par son testament, avait demandé que l’on conduisît son corps à Port-Royal des Champs, pour y être enterré auprès du fils de M. de Bernières, « avec qui, disait-il. Dieu m’avoit uni, en me tirant de la maison de mon père, pour me donner une éducation dont je le bénis de tout mon cœur, et dont j’espère de sa miséricorde que je le bénirai dans toute Éternité, ayant été élevé par des personnes sans ambition, qui aimoient à servir Dieu en esprit et en vérité, dans le silence et dans la retraite. » M. de Beaupuis, ce maître sans ambition, fut un de ceux qui, malgré la rigueur des glaces et la difficulté des chemins, accompagnèrent le corps de M. de Tillemont jusqu’au lieu sacré de la sépulture.

À la fin de cette même année (1698), il perdit M. Thomas Du Fossé, qui était comme le frère et le second de M. de Tillemont, — autre disciple chéri et honoré.

  1. Vie de M. de Tillemont, par M. Tronchai.