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PORT-ROYAL.

« J’en ai connu qui faisoient entrer dans leur conversion le plaisir du changement ; j’en ai connu qui, se dévouant à Dieu goûtoient une joie malicieuse de l’infidélité qu’elles pensoient faire aux hommes….
« Pour quelques-unes, Dieu est un nouvel amant, qui les console de celui qu’elles ont perdu : en quelques autres, la dévotion est un dessein d’intérêt et le Mystère d’une nouvelle conduite. »

Que d’à-propos, que de noms célèbres venaient s’offrir d’eux-mêmes à l’appui de chaque trait, dans cette vogue subite de conversions qui suivit les mésaventures de la Fronde ! L’homme du sanctuaire pouvait au besoin fournir le mot à l’homme du monde, et il avait de quoi lui prêter.

Ces deux esprit délicats, en parfaite union, conversaient donc de toutes ces choses et de bien d’autres ; et je ne crois en rien faire injure au Prélat catholique, en lui accordant quelque part dans les pensées de son ami, sur des matières qui étaient si étroitement de son ressort. Saint-Évremond avait été élevé chez les Jésuites au Collège de Clermont, et d’Aubigny à Port-Royal : tous deux se rejoignirent par l’esprit. — D’Aubigny est le Saint-Évremond de Port-Royal, comme Racine en est le Voltaire ; mais Racine est resté en chemin. J’aurais cru manquer une heureuse occasion, que de ne pas m’arrêter en passant devant cette figure de d’Aubigny, qui m’est apparue comme le type de l’homme aimable au dix-septième siècle ; véritable Français d’Écosse, dont l’entretien égalait en charme celui des Clérambaut, des Hamilton et des Grammont. En fait d’élève de M. de Beaupuis, on conviendra qu’il ne s’en pouvait rencontrer de plus distingué, ni surtout de plus imprévu[1].

  1. Mais on me dira peut-être que j’accorde trop au témoignage