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LIVRE TROISIÈME.

il put : il y avait au même moment sur son lit, derrière le rideau entr’ouvert, une vingtaine d’exemplaires de la septième ou huitième Lettre qui étaient à sécher. Dès que le Jésuite fut dehors, M. Périer, délivré d’angoisse, courut conter l’histoire à Pascal qui demeurait dans la chambre d’au-dessus, et ils en firent une gorge chaude, comme on dit[1].

Tout cela est piquant, amusant, mais l’est, il faut en convenir, comme ce qui se pourrait rapporter à la Satyre Ménippée, aux premières représentations du Tartufe, aux Lettres Persanes, à la Correspondance de Jean-Jacques avec Christophe de Beaumont, aux Mémoires et au procès de Beaumarchais, à son Mariage de Figaro, aux Pamphlets de Paul-Louis Courier et aux Chansons de Béranger.

Et ici un rapport bien analogue se présente, et qui tient aux circonstances mêmes. Autour et en dehors des États-généraux factieux de 1593, il y eut la Satyre Ménippée ; autour des Chambres réactionnaires de 1815 et de 1823, il y eut les Chansons vengeresses de Béranger et les Pétitions railleuses de Courier : autour des Assemblées violentes de Sorbonne de 1655-1656, il y a les Provinciales.

Je n’ai pas tout dit encore sur leur succès. D’autres particularités s’ajoutent à la note de Saint-Gilles. Le nombre des exemplaires à tirer augmentait pour chaque Lettre en raison de la vogue accélérée. Un ami de

  1. On lit encore ceci (Bibliothèque du Roi, manuscrits, supp. franç., n° 1485) : « En 1672, le 27 février, mademoiselle Périer raconta à un de ses amis que M. Pascal, son oncle, avoit un laquais nommé Picard, très-fidèle, qui savoit que son maître composoit les Lettres Provinciales : c’étoit lui qui, pour l’ordinaire, en portoit les manuscrits à M. Fortin, proviseur du Collège d’Harcourt, qui avoit soin de les faire imprimer ; on assure qu’elles ont été imprimées dans le Collège même. » Elles le furent un peu partout.