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Lamartine a aimé un constant idéal, un être angélique qu’il rêvait, l’immortelle Beauté en un mot, l’Harmonie, la Muse. Qu’importent donc quelques détails de sa vie ! Dans sa vocation invincible, cette vie n’était pas à la merci d’un heureux hasard : il ne pouvait manquer un jour ou l’autre de conquérir lui-même en plein et de faire retentir par le monde son divin organe. La nuée de colombes pressées, dont il parle, devait tôt ou tard échapper bruyamment de son sein.

Cependant l’absence habituelle où Lamartine vécut loin de Paris et souvent hors de France, durant les dernières années de la Restauration, le silence prolongé qu’il garda après la publication de son Chant d’Harold, firent tomber les clameurs des critiques qui se rejetèrent sur d’autres poëtes plus présents : sa renommée acheva rapidement de mûrir. Lorsqu’il revint au commencement de 1830 pour sa réception à l’Académie française et pour la publication de ses Harmonies, il fut agréablement étonné de voir le public gagné à son nom et familiarisé avec son œuvre. C’est à un souvenir de ce moment que se rapporte la pièce de vers suivante, dans laquelle on a tâché de rassembler quelques impressions déjà anciennes, et de reproduire, quoique bien faiblement, quelques mots échappés au poëte, en les entourant de traits qui peuvent le peindre. — À lui, au sein des mers brillantes où ils ne lui parviendront pas, nous les lui envoyons, ces vers, comme un vœu d’ami durant le voyage !


Un jour, c’était au temps des oisives années,
Aux dernières saisons, de poésie ornées