Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/338

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ses maux ; sa joie simple, triomphante, un matin qu’il a lu au réveil et qu’il annonce à sa famille qu’une société littéraire (il le tient de bonne source) se fonde enfin, pour publier les livres des auteurs pauvres ; toutes ces petites scènes successives composent un ensemble fini qui ne peut être que de Wilkie ou de Crabbe.

M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires, a raconté, de son ancienne et pauvre vie en Angleterre, une attendrissante aventure, qui a pour objet une divine Charlotte, fille d’un ministre de campagne, d’un Révérend très-fort aussi en grec, comme ils le sont tous : le presbytère anglais encadré de ses fleurs, et avec toute sa précieuse netteté, y reluit dans une belle page. À travers des vallées où paissent des vaches, de jolis petits chemins sablés nous y conduisent. La vie de nos curés de campagne en France n’a rien qui ait favorisé un genre pareil d’inspiration et de poésie. S’il avait pu naître quelque part, c’eût été en Bretagne, où les pauvres clercs, après quelques années de séminaire dans les Côtes-du-Nord, retombent d’ordinaire à quelque hameau voisin du lieu natal. M. Souvestre nous a récemment indiqué cette veine naïve de poésie semi-ecclésiastique dans ses études des Bretons. M. Brizeux nous a introduit parmi ce joyeux essaim d’écoliers qui bourdonnait et gazouillait autour des haies du presbytère chez son curé d’Arzano. Quelques pages enfin des Paroles d’un Croyant, quelques-unes des images touchantes et non politiques, pourraient se rapporter à cette poésie de curé de campagne en Bretagne. Mais la difliculté d’une double langue en ce pays, et aussi la