Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/355

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Lamartine ou Jocelyn, comme on le voudra, a un optimisme serein et supérieur, qui, dans la réalité de tous les jours, pourrait ne pas se vérifier aisément, mais qui reprend son courant général de vraisemblance à mesure que la sphère s’épure et que l’horizon s’élargit. Dans la région où Jocelyn habite, à la hauteur de Valneige, le mal cesse par degrés ; les miasmes des villes expirent et se dissipent dans cet air vif des sapins et des mélèzes. Il y a de la douleur toujours (car l’homme la traîne partout), mais moins de vices ; et, tandis qu’en bas, dans les foules, nos pas se heurtent, tournent souvent sur eux-mêmes, et finalement se découragent, de loin, d’en haut, aux yeux du pasteur et du poëte, s’aperçoit mieux peut-être la marche constante de l’humanité sous le Seigneur.

Il y aurait pour nous de quoi discourir sur Jocelyn-poëme longuement encore. Nous n’avons pas touché les détails du voyage à Paris, et plus tard ceux de la maladie, de la confession, de la mort et de l’ensevelissement de Laurence. Et dans les intervalles, que d’endroits engageants, que de sources murmurantes à chaque pas, au bord desquelles nous pourrions, comme à ce sommet de Glencroe, tomber d’un cœur reconnaissant ! mais les propos entre amis doivent eux-mêmes prendre fin, si doux qu’ils soient. Un dernier trait seulement. Pour ceux qui aiment l’homme dans Lamartine (et le nombre en est grand), Jocelyn doit avoir une valeur biographique ou du moins psychologique bien précieuse. Le bon et tendre curé a existé sans doute, je le crois ; mais ce qui est sûr, c’est que le poëte a fait mainte fois con-