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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

Dès 1824, lors de la retraite de M. de Chateaubriand, il avait pris parti pour l’opposition. La première marque éclatante qu’il en donna fut l’Ode à la Colonne, publiée en février 1827. Le général Hugo, qui ne mourut qu’en 1828, vécut assez pour jouir avec larmes de ce trophée tout militaire, que dédiait son fils aux vétérans de l’Empire. En août 1829, Victor Hugo refusa la pension que M. de La Bourdonnaye s’empressait de lui offrir en dédommagement des obstacles ministériels opposés à Marion Delorme. La révolution de Juillet le trouva donc libre, sans obligation politique, ayant donné des gages au pays, prêt à lui en donner encore. Il a chanté les Trois jours dans les plus beaux vers qu’ils aient inspirés ; il a vengé par une deuxième Ode à la Colonne les mânes de Napoléon, qu’outrageait une Chambre pusillanime. Les voûtes du Panthéon ont retenti de sa cantate funèbre en l’honneur des morts de Juillet. Voilà jusqu’à ce jour les principaux faits de cette vie du poëte ; il nous reste seulement à en caractériser plus en détail deux portions qui se mêlent intimement à la chronique fugitive de notre poésie contemporaine : ce sont les deux périodes que j’appellerai de la Muse française et du Cénacle.

Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fana-