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Madeleine la pécheresse
Répandit aux pieds du Sauveur ;
Pareils aux flots de parfum rare
Qu’en pleurant la sœur de Lazare
De ses longs cheveux essuya ;
Pleurs abondants comme les vôtres.
Ô le plus tendre des apôtres,
Avant le jour d’Alleluia !

Prière confuse et muette,
Effusion de saints désirs,
Quel luth se fera l’interprète
De ces sanglots, de ces soupirs ?
Qui démêlera le mystère
De ce cœur qui ne peut se taire,
Et qui pourtant n’a point de voix ?
Qui dira le sens des murmures
Qu’éveille à travers les ramures
Le vent d’automne dans les bois ?

C’était une offrande avec plainte,
Comme Abraham en sut offrir ;
C’était une dernière étreinte
Pour l’enfant qu’on a vu nourrir ;
C’était un retour sur lui-même,
Pécheur relevé d’anathème,
Et sur les erreurs du passé ;
Un cri vers le Juge sublime,
Pour qu’en faveur de la victime
Tout le reste fût effacé.

C’était un rêve d’innocence,
Et qui le faisait sangloter,
De penser que, dès son enfance,
Il aurait pu ne pas quitter
Port-Royal et son doux rivage,
Son vallon calme dans l’orage,

    ses émotions de père et de ses joies comme chrétien (Fauriel ; Vie de Lope de Vega). Mais Racine ne put que pleurer.