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si Oberman et René sont pour lui des frères aînés et plus mûris, ce ne sont pas ses parents directs, ses pères. Nodier, au début, se rattache plus directement à Saint-Preux, mais à Saint-Preux germanisé, vaporisé, werthérisé. Il a lu aussi les dernières Aventures du jeune d’Olban, publiées en 1777, et il s’en ressent d’une manière sensible. Mais qu’est-ce, me dira-t-on, que les Aventures du jeune d’Olban ? Avant 89, il y avait en France un très-réel commencement de romantisme, une veine assez grossissante dont on est tout surpris à l’examiner de près : les drames de Diderot, de Mercier, les traductions et les préfaces de Le Tourneur, celles de Bonneville. Tout un jeune public, contre lequel tonnait La Harpe, y répondait : on a vu ailleurs que M. Joubert, l’ami de Fontanes, en était. Or Ramond, depuis membre grave des assemblées politiques, de l’Académie des Sciences, et historien si éminent des Pyrénées, Ramond jeune, nourri dans Strasbourg, sa patrie, des premiers sucs de la littérature allemande mûrissante, en fut légèrement enivré. Séjournant en Suisse et dans une sorte d’exil commandé, à ce qu’il semble, par quelque passion malheureuse, il publia à Verdun, en 1777, les Aventures du jeune d’Olban qui finissent à la Werther par un coup de pistolet, et l’année suivante il publia encore, dans la même ville, un volume d’Élégies alsaciennes de plus de sentiment et d’exaltation que d’harmonie et de facture ; on y lit cette rustique approbation signée du bailli du lieu : Permis d’imprimer les Élégies ci-devant. Nodier, à la veille du Peintre de Saltzbourg, se ressouvenait du roman de Ramond[1], il ajouta même à son Peintre, par manière d’épilogue, une pièce intitulée le Suicide et les Pèlerins, qui n’est qu’une mise en vers du dernier chapitre en prose de d’Olban. Comme talent d’écrire (bien que Ramond en ait montré dans ses autres ouvrages), il n’y a pas de comparaison à faire en-

  1. Il a poussé la complaisance et la longanimité du souvenir jusqu’à donner une édition des Aventures de d’Olban, avec notice, 1829, chez Techener.