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On court risque, avec Nodier, comme avec Diderot, de le retrouver ainsi souvent dans ce que des voisins ont signé ; il faut prendre garde, en retour, de lui trop rapporter bien des écrits plus apparents où on ne le retrouve pas.

Nodier, revenu en France, avait trente ans passés ; il doit être mûr ; le voilà au centre ; une nouvelle vie mieux assise et plus en vue de l’avenir pourrait-elle commencer ?  Par malheur, l’atmosphère est bien fiévreuse, et les temps plus que jamais sont dissipants. Je n’essayerai pas de le deviner et de le suivre à travers ces enthousiastes chaleurs de la première et de la seconde Restauration. Les Cent-Jours le rejetèrent à douze années en arrière, aux fougues politiques du Consulat : le 18 mars, il écrivit dans le Journal des Débats une autre Napoléone, une philippique à l’envi de celle que Benjamin Constant y lançait vers le même moment. Il résista mieux à l’épreuve du lendemain. Non pas tout à fait Napoléon, il est vrai, mais Fouché le fit venir, et lui demanda ce qu’il voulait. — « Eh bien ! donnez-moi cinq cents francs… pour aller à Gand. » Il est l’auteur de la pièce intitulée Bonaparte au 4 mai, qui parut dans le Nain jaune et dans le Moniteur de Gand ; il est l’auteur du vote attribué à divers royalistes, et qui circula au Champ-de-Mai : « Puisqu’on veut absolument pour la France un souverain qui monte à cheval, je vote pour Franconi. » Au reste, il se déroba de Paris durant la plus grande partie des Cent-Jours, et les passa à la campagne dans un château ami.

Les années qui suivent, et où se rassemble avec redoublement son reste de jeunesse, suffisent à peine, ce semble, à tant d’emplois divers d’une verve continuelle et en tous sens exhalée : journaliste, romancier, bibliophile toujours, dramaturge quelque peu et très-assidu au théâtre, témoin aux cartels, tout aux amis dans tous les camps, improvisateur dès le matin comme le neveu de Rameau. Avec cela des retours par accès vers les champs, des reprises de tendresse pour l’histoire naturelle et l’entomologie : un jour, ou plutôt une nuit, qu’il errait au bois de Boulogne pour sa docte re-