Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t1, nouv. éd.djvu/487

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Elle est comme une pure flamme
Que la nuit du néant réclame[1]
Quand elle manque d’aliment.

Elle part prompte et fugitive,
Comme la flèche qui fend l’air,
Et son trait vif, rapide et clair,
Va frapper la foule attentive
D’un jour plus brillant que l’éclair.

Si quelque gêne l’emprisonne,
Déliez-vous de son lien.
Tout effort est contraire au bien,
Et la parole en vain foisonne,
Sitôt que le cœur ne dit rien.

Le simple, c’est le beau que j’aime,
Qui, sans frais, sans tours éclatants,
Fait le charme de tous les temps.
Je donnerais un long poème
Pour un cri du cœur que j’entends.

En vain une muse fardée
S’enlumine d’or et d’azur,
Le naturel est bien plus sûr.
Le mot doit mûrir sur l’idée,
Et puis tomber comme un fruit mûr.

Cette coulante doctrine de la facilité naturelle, cet épicuréisme de la diction, si bon à opposer en temps et lieu au stoïcisme guindé de l’art, a pourtant ses limites ; et quand l’auteur dit qu’en style tout effort est contraire au bien, il n’entend parler que de l’effort qui se trahit, il oublie celui qui se dérobe.

Un an avant la publication de ses propres Poésies, Nodier donnait, de concert avec son ami M. de Roujoux, un second

  1. Je n’aime pas cette nuit du néant qui réclame une flamme ; c’est la rime qui a donné cela.