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pour le trouver encore simple homme de lettres : il est vrai que ce court moment ne fut pas perdu et va nous le montrer sous un nouveau jour. M. de Fontanes, que nous savons poëte, devient un critique au Mercure.


II

Il l’était déjà par le discours qui précède l’Essai sur l’Homme : mais, ici, il ne se renfermera plus dans un jugement formé à loisir sur des œuvres passées et déjà classées : c’est à la critique actuelle, polémique, irritable, qu’il met la main. Dans ce rapide détroit de l’entrée du siècle, il se lance avec décision ; d’une part il nie, de l’autre il accueille ; il va proclamer avec éclat M. de Chateaubriand, il repousse d’abord madame de Staël.

Dans le premier numéro du Mercure régénéré parut son premier extrait contre le livre de la Littérature : on vient de voir sa disposition de longue date envers l’auteur. J’ai moi-même analysé en détail et apprécié, dans un travail sur madame de Staël[1], cette polémique de Fontanes. Ne voulant pas imiter un estimable et du reste excellent biographe, qui, dans la Vie de Fénelon, est pour Fénelon contre Bossuet, et qui, dans la Vie de Bossuet, passe à celui-ci contre Fénelon, je n’ai rien à redire ni à modifier. Seulement, tout ce qui précède explique mieux, de la part de Fontanes, cette spirituelle et éclatante malice de 1800 ; en étendant le tort sur un plus grand espace, je l’allège d’autant en ce point-là. Qu’y faire d’ailleurs ? On relira toujours, en les blâmant, les deux articles de Fontanes contre madame de Staël, comme on relit

  1. Voir le volume de Portraits de Femmes.