Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un bruit sourd a retenti.
Tu sens des craintes nouvelles :
Est-ce un faon qui te fait peur ?
Est-ce la voix de ta sœur
Qui t’appelle à la veillée ?
Est-ce un Faune ravisseur
Qui soulève la feuillée ?

Dieux ! un jeune homme paraît,
Dans ces bois il suit la route,
T’appelant d’un doigt discret
Au plus épais de leur voûte :
Il s’approche, et tu souris ;
Diane sous ces abris
Dérobe son front modeste :
Un doux baiser t’est surpris,
Les bois m’ont caché le reste.

Pan, et la Terre, et Sylvain,
En ont pu voir davantage ;
Jamais ne s’égare en vain
Une nymphe de ton âge.
Les Zéphyrs ont murmuré,
Philomèle a soupiré
Sa chanson mélodieuse ;
Le ciel est plus azuré,
Vénus est plus radieuse.

Nymphe aimable, ah ! ne crains pas
Que mon indiscrète lyre
Ose flétrir tes appas
En publiant ton délire ;
J’aimai : j’excuse l’amour.
Pars sans bruit : qu’à ton retour
Nul écho ne te décèle,
Et que jusqu’au dernier jour
Ton amant te soit fidèle !

Si, perfide à ses serments,
Hélas ! il devient volage,
Du cœur je sais les tourments,
Et ma lyre les soulage ;