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dire, à l’âme malade de Léonard ; plus d’une fois il y fait allusion en ses vers, et toujours pour témoigner la gêne secrète et pour accuser l’empreinte. Il regrettait cette chère liberté, comme il disait,

Aux dieux de la faveur si follement vendue.

Son vœu de poëte et de créole se reportait par delà les mers, vers ce berceau natal des Antilles, qui lui semblait recéler pour son existence fatiguée le dernier abri du bonheur. Lui-même, en des vers philosophiques, nous a confessé avec grâce le faible de son inconstance :

DansMais le temps même à qui tout cède
Dans les plus doux abris n’a pu fixer mes pas !
Aussi léger que lui, l’homme est toujours, hélas !
DansMécontent de ce qu’il possède
DansEt jaloux de ce qu’il n’a pas.
DansDans cette triste inquiétude
On passe ainsi la vie à chercher le bonheur :
À quoi sert de changer de lieux et d’habitude,
DansQuand on ne peut changer son cœur ?

Revenu de Liège à Paris au commencement de 1783, il partit l’année suivante pour les colonies, où il passa trois années, après lesquelles on le retrouve à Paris en 1787, prêt à repartir de nouveau pour la Guadeloupe, mais cette fois avec le titre de lieutenant général de l’Amirauté et de vice-sénéchal

    Léonard ; mais on y lit ce jugement sur le Prince-Evêque, alors régnant : « La Société d’émulation a pris naissance sous Welbruck ; on le détermina à s’en déclarer le protecteur, mais il fit peu de chose pour consolider cet établissement. Welbruck était un prince aimable et léger, qui ne cherchait qu’à, s’amuser, et qui n’a paru favoriser un instant les belles-lettres et les arts que pour imiter ce qu’il voyait faire à presque tous les souverains de l’Europe. » (Mélanges, 1810, page 62.) Nous voilà édifiés, mieux que nous ne pouvions l’espérer, sur le Léon X de l’endroit. La Biographie universelle (article Welbruck) lui est plus favorable. (Voir dans le Bulletin du Bibliophile belge, tome IV, page 241, une Notice sur Léonard par M. Ferd. Hénaux, 1847.)