Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t2, nouv. éd.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien : « Bah ! laissons-leur cet os à ronger. » Je prends plaisir à répéter ce mot qui est une clef essentielle dans le De Maistre.

Le livre intitulé de l’Église gallicane dans son rapport avec le souverain Pontife n’est qu’un appendice du Pape. Écrit en 1817 à la fin du séjour en Russie, il ne parut qu’en 1821, vers le temps de la mort de l’auteur, qui en avait disposé lui-même la publication par une préface d’août 1820. c’est dans ce fameux pamphlet qu’il s’attaque plus expressément à Bossuet et à Pascal, à Port-Royal et au jansénisme. Le chapitre dans lequel j’ai dû examiner et réfuter cette polémique fait partie de l’ouvrage sur Port-Royal que je continue, et il est tout entier écrit depuis longtemps. Dans un sujet que j’ai étudié assez à fond et sur un terrain circonscrit où je me sens le pied solide, je ne crains pas d’affronter, de choquer M. de Maistre, qui y arrive avec quelque peu de cette légèreté et de ce bel air superficiel qu’il a reproché à tant d’autres. Mais détacher et donner ici ce chapitre serait chose impossible pour l’étendue, et même peu assortie pour le ton. Quand je fais le portrait d’un personnage, et tant que je le fais, je me considère toujours un peu comme chez lui ; je tâche de ne point le flatter, mais parfois je le ménage ; dans tous les cas, je l’entoure de soins et d’une sorte de déférence, pour le faire parler, pour le bien entendre, pour lui rendre cette justice bienveillante qui le plus souvent ne s’éclaire que de près. Lorsqu’une fois cette tâche est remplie, je me retrouve au-dehors, je suis en mesure de m’exprimer plus librement, me souvenant toujours, s’il est possible, de ce que j’ai dit et jugé ; mais je parle plus haut, s’il est besoin, et du ton que m’inspire la rencontre. Telle est ma morale en ce genre de critique et de portraiture littéraire ; c’est ainsi que j’observe les mœurs de mon sujet. Les Soirées de Saint-Pétersbourg suivirent de près l’Église gallicane, et parurent la même année (1821). Il ne leur manque, pour être complètes, que quelques pages du dernier