Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/310

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loix, jeune homme de Genève, mort à Paris en 1828, et il le proclame un jeune poète plein de génie. Puisque j’en suis aux sévérités et à montrer que M. Eynard, sur quelques points, n’a pas eu toute la critique qu’on aurait pu exiger, je noterai (et le biographe du médecin Tissot me comprendra) qu’Ymbert Galloix, que nous avons beaucoup connu et vu mourir, n’avait réellement pas de génie, mais une sensibilité exaltée, maladive, surexcitée, et qu’il est mort s’énervant lui-même. Il suffirait que sur quelques autres articles le biographe eût apporté la même complaisance et facilité de jugement, pour que nous eussions le droit de modifier certaines de ses conclusions.

Malgré tout, c’est chez lui désormais, et nulle part ailleurs, qu’il faut apprendre à connaître la vie religieuse de Mme de Krüdner ; journaux manuscrits, correspondance intime, entretiens de vive voix avec les principaux personnages survivants, il a tout recherché et rassemblé avec zèle, et, dans la riche matière qu’il déroule à nos yeux, on ne pourrait se plaindre, par endroits, que du trop d’abondance. Les événements de 1815 surtout, et le rôle qu’y prit Mme de Krüdner par son influence sur l’empereur Alexandre, sont présentés sous un jour intéressant, dans un détail positif et neuf, emprunté aux meilleures sources. M. Eynard a été guidé, pour le fil de cette relation délicate, par une personne d’un haut mérite, initiée dès l’origine à la confidence de Mme de Krüdner et de l’empereur, Mme de Stourdza, depuis comtesse Edling. Sur quelques points chemin faisant, M. Eynard, qui veut bien tenir compte avec indulgence de notre ancienne esquisse de Mme de Krüdner, a pris soin d’en rectifier les traits qu’il trouve inexacts, et de réfuter aussi l’esprit un peu léger où se jouait notre crayon. Il a raison assez souvent, je le lui accorde ; en deux ou trois cas seulement ; je lui demanderai la permission de ne pas me rendre à ses autorités. Par exemple, j’ai raconté une visite de Mme de Krüdner à Saint-Lazare, l’effet que la prêcheuse éloquente produisit sur