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noms des magistrats intègres qui l’appuient : Tronson, Édouard Molé, de Thou, Pasquier, Le Maistre, Gay Coquille, Pithou, Loisel, Montholon, l’Estoile, de La Guesle, Harlay, Séguier, Du Vair, Nicolaï ; on devinera les auteurs de la Ménippée, Pierre Le Roy, Passerat, Gillot, Rapin, Florent Chrestien, Gilles Durant, honnêtes représentans de la bourgeoisie parisienne. Les ligueurs modérés, comme Villeroy et Jeannin, se rangeront même un jour sous ce drapeau qui deviendra celui de Henri IV et de Sully. »

Voilà le vrai, le sens commun en pareille matière, et Charles Labitte l’a su rafraîchir de toutes sortes de raisons neuves et revêtir de textes peu connus. Cet honorable ouvrage, et la préface qu’il mit depuis à la publication de la Satyre Ménippée[1], lui valurent des attaques, parmi lesquelles je ne m’arrêterai qu’à la plus sérieuse, à celle qui touche un point d’histoire saillant et délicat.

Pendant que Charles Labitte écrivait son volume sur la Ligue, le gouvernement faisait imprimer pour la première fois (dans la collection des Documents historiques) les Procès-verbaux des États généraux, réputés séditieux, de 1593 ; cette publication, confiée à M. Auguste Bernard, déjà connu par ses recherches sur les D’Urfé, fut exécutée avec beaucoup de soin, d’exactitude et de conscience, qualités qui distinguent cet investigateur laborieux. Notre ami, toujours bienveillant et en éveil, s’était empressé à l’avance, dans une note de son volume, de signaler la prochaine publication de M. Bernard : « Elle comblera, avait-il dit[2], une lacune fâcheuse dans les annales de nos grandes assemblées. L’histoire politique n’aurait pas seule à profiter de cette publication ; ce serait la meilleure pièce justificative de la Satyre Ménippée. » Mais le recueil des Procès-verbaux ne répondit pas, du moins dans la pensée de l’éditeur, à cette dernière promesse. Selon M. Auguste Bernard, en ef-

  1. Dans l’édition de la Bibliothèque-Charpentier, 1841.
  2. Page 158.