Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/408

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et où il s’arrêterait dans ces routes diverses qu’il semblait parcourir sans effort. Le temps d’arrêt n’était pas loin. M. Étienne devait à son bonheur même d’avoir des envieux et des ennemis : le bruit se répandit que la pièce des Deux Gendres n’était pas de lui, ou du moins qu’il avait eu pour la composer des secours tout particuliers, une ancienne comédie en vers. On exhuma Conaxa ; c’était le titre de la pièce qui avait, disait-on, servi de matière et d’étoffe aux Deux Gendres. Ce que cette découverte excita de curiosité, ce que cette querelle enfanta de brochures, d’explications, de révélations pour et contre, ne saurait se comprendre que lorsqu’on a parcouru le dossier désormais enseveli ; on en ferait un joli chapitre qui s’intitulerait bien : Un épisode littéraire sous l’Empire. Cette querelle et l’importance exagérée qu’elle acquit aussitôt est une des plus grandes preuves, en effet, du désœuvrement de l’esprit public à une époque où il était sevré de tout solide aliment. C’est bien le cas de dire que les objets se boursouflent dans le vide. La discussion se prenait où elle pouvait.

Entre les innombrables brochures publiées alors, quatre pièces principales suffisent pour éclairer l’opinion et fixer le jugement : 1° la préface explicative que M. Étienne mit en tête de la quatrième édition des Deux Gendres ; 2° la Fin du procès des DEUX GENDRES, écrite en faveur de M. Étienne, par Hoffman ; 3° et 4° les deux plaidoiries adverses de Lebrun-Tossa, intitulées Mes Révélations et Supplément à mes Révélations. Toutes grossières et sans goût, toutes rebutantes que se trouvent ces dernières pièces, elles ne sont pas autant à mépriser qu’on est tenu de le faire paraître dans un Éloge public. Il résulte clairement du débat que M. Étienne avait reçu de M. Lebrun-Tossa, son ami alors et son collaborateur en perspective, non pas un projet de canevas, mais une véritable pièce en trois actes et en vers, presque semblable en tout à celle qui est imprimée sous le titre de Conaxa, et qu’il en tira, comme c’est le droit et