Page:Sainte-Beuve - Portraits littéraires, t3, nouv. éd.djvu/500

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de paysages qui fut publié au bénéfice des pauvres baigneurs de l’endroit. Ces bains d’ailleurs n’avaient produit aucun résultat ; l’affaiblissement, la maigreur augmentaient ; une fatigue insurmontable enchaînait déjà le malade sur un canapé. Son courage, plus fort que ses misères, tenait bon, et ses collègues de l’Académie le virent jusqu’au terme des cours se traîner à son devoir[1]. Pour la première fois il renonça à son voyage annuel avec sa jeune bande, et il allait partir pour son cher Cronay[2], petit bien de famille appartenant à sa femme, où il se réjouissait de passer les vacances, quand le voile se déchira. Je ne fais que transcrire ici les témoignages les plus proches[3]. Ce n’était pas des yeux que venait son mal, mais d’un gonflement redoutable de la rate et du foie. Il fallut sur-le-champ partir pour Vichy. Il ressentit d’abord, en y arrivant, une grande impression de solitude ; le bruit et la vanité qui, jusque dans la maladie, continuent de faire la vie apparente de ces grands rendez-vous, l’offusquaient ; il avait, si l’on ose le dire, quelques préventions un peu exagérées contre ce qu’il appelait notre beau monde ; nature genuine, comme disent les Anglais, il avait avant tout horreur du factice ; mais il ne tarda pas à s’y lier d’un commerce en tout convenable à son caractère et à son esprit avec quelques personnes qui lui prodiguèrent un intérêt affectueux, et particulièrement avec M. Léon de Champreux, de Toulouse : « J’ai rarement vu, nous écrit M. de Champreux, autant de naïveté et de bonhomie réunies à un esprit plus piquant, plus original ; chaque parole dans sa conversation était un trait ; mais, bon et affectueux par-dessus tout, sa plaisanterie était toujours inoffensive. Rien, même dans ses écrits, ne peut donner idée du charme de son intimité. Les horribles dou-

  1. Il y était professeur de belles-lettres générales depuis 1832.
  2. Près d’Yverdun.
  3. Je les dois à M. Sayous, parent et ami de Topffer, et qui l’a si bien connu par l’esprit et par le cœur.