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LE
CHEVALIER DE MÉRÉ
OU
DE L’HONNÊTE HOMME AU XVIIe SIÈCLE


Connaissez-vous le chevalier de Méré ? Ce n’est pas que je vous conseille de le lire ; il n’est bon à connaître que par extraits. Il passait pour plus aimable qu’il ne devait être, à en juger par ses lettres et par ses discours imprimés ; il faisait profession de ce qui n’est bien que si on ne le professe pas, et que si l’on en use d’un air d’aisance et de naturel. Sa politesse est compassée, et je le soupçonne fort d’avoir été de ceux qui sont frivoles dans le sérieux et pédants dans le frivole ; mais c’était certainement un homme de beaucoup d’esprit, établi sur ce pied-là dans le monde, ayant commerce avec ce qu’il y avait de plus considérable dans les lettres et à la cour, désigné par l’opinion, à un certain moment (de 1649 à 1664), pour un arbitre ou du moins pour un maître d’élégance. Son tort fut de prendre trop à la lettre et trop au sérieux ce rôle délicat, et de pousser à bout ce qui ne doit être qu’effleuré, ce qui doit être renouvelé toujours. On a dit de Benserade que c’était un Voiture trop prolongé : ç’a été l’inconvénient aussi du chevalier de Méré. Malgré ces défauts ou à cause de ces défauts mêmes, le chevalier de Méré est un type ; et si aujourd’hui on veut étudier un des caractères les plus en