Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/144

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le n’obdir qu’aux lois ? Tous ces biens, ce cruel Uomulus les relient comme s’il les avait ravis à des étrangers. Ni le sang de tant d’armées, ni la mort d’un consul et de nos premiers citoyens qui furent moissonnés par la guerre , ne l’ont rassasié ; loin de là , sa cruauté s’accroît dans la prospérité qui, d’ordinaire, change la fureur en compassion. Que dis-jel il est le seul, de mémoire d’homme, qui ait prononcé des supplices contre des enfants qui n’étaient pas encore nés (2), et qui ainsi connurent l’Injustice avant d’être assurés de l’existence ; et maintenant , protégé par l’atrocilé même de ses crimes, il se livre à ses fureurs ; tandis que vous , par crainte de voir s’appesantir votre joug, vous n’osez ressaisir la liberté. Il faut agir , il faut le prévenir , Romains , si vous ne voulez pas que vos dépouilles lui appartiennent à jamais. Il n’est plus temps de différer , ni de demander des secours aux dieux ; a moins, peut-être , que vous n’espériez qu’un jour , par dégoût ou par honte de la tyrannie, il n’abdique, h ses risques et périls , un pouvoir usurpé par le crime. Mais, au point où il en est, il n’y a pour lui rien de glorieux que ce qui est sûr, rien d’honorable que ce qui peut maintenir sa domination. Ainsi donc ce repos, ce loisir avec la liberté, que tant d’honnêtes citoyens préféraient aux honneurs, au prix du travail, n’existent plus. Aujourd’hui, Romains, il faut servir ou commander, trembler ou se faire craindre.

En effet, sur quoi comptez -vous encore ? Quelles lois humaines vous restent ? et parmi les lois divines, lesquelles n’ont pas été violées ? Le peuple romain, naguère l’arbitre des nations, maintenant dépouillé de sa puissance , de sa gloire, de ses droits, n’ayant pas de quoi vivre, Qu<B cuncta sœvus iste Romulus, quasi ab externis rapta, tenet : nontotexerciluuinclade.ncquc consulis etaliorum principuin , <|uos forluna belli consumserat, satiatus ; sed tum crudelior, quum plerosque secundae rcs inniiserationcm ex ira vertunt. Quin solus omnium, post raeraoriamliominum, supplicia in post futuros composuit, quis prius injuria, quam vita cerla esset ; prarissuraeque per sMieris irainanitatem adhuc tutus furit , dum vos , melu gravioris servitil , a repetunda liberlate terrenrini.

Agendura atque ebviam eundum est, Quirites, ne spolia veslra pênes illum sint ; non |>rolatanduni, neque votls paranda ausilia ; nisi forte speralis, per tœdiuni jara aut pudorem tvrannidis, esse eum per scelus occupata periculosius dimissurum. At illc oo processif, uli nihil gloriosum, nisi tuluni, et omnia letinendce dominatioais bonesta esistumet. Ilaqueilla qiues et otium cum liberlate, ipiie multi probi potins, quam laborem cum bonoribus, capessebaul, uulla suât. Hac tempestate serviuDdum.aut imperitandum ; habendusnietus, aut faciundus, Quirites. Piam quid ultra ? qua :ve huniana suncrant, aut diviua méprisé , manque même des aliments qu’on donne aux esclaves (3). Une grande partie de nos alliés et des habitants du Latium, à qui, pour tant de glorieux services, vous aviez accordé le droit de cité , en sont privés par le caprice d’un seul homme ; et quelques sicaires ont envahi l’héritage d’un peuple paisible, pour se payer par-là de leurs crimes. Lois, jugements, trésor public, provinces, royaume, tout, jusqu’au droit de vie et de mort sur les citoyens, tout est dans les mains d’un seul ; et vous avez vu aussi des victimes humaines, et les tombeaux souillés de sang romain (4).

Que vous reste-t-il, si vous êtes des hommes, sinon de vous affranchir de l’oppression ou de mourir avec courage ? Car enfln la nature a prescrit à tous les hommes , même a ceux que protègent mille glaives , un terme fatal ; et, à moins d’avoir un cœur de femme , nul n’attend le dernier coup sans rien oser pour sa défense. Mais, au dire de Sylla, je suis un séditieux, parce que je me plains des récompenses accordées aux fauteurs des troubles ; je suis un ami de la guerre , parce que je réclame les droits de la paix. C’est-à-dire, sans doute, que vous ne trouverez dans l’empire ni bien-être ni sûreté , à moins que le Picentin Vettius et le greffier Cornélius ne puissent dissiper follement les biens acquis légitimement par autrui ; à moins que vous n’approuviez les proscriptions de tant d’innocents dont les richesses ont fait le crime, les exécutions des personnages les plus illustres , Rome dépeuplée par l’exil et le meurtre , et les biens des malheureux citoyens donnés ou vendus à l’encan comme le butin pris sur les Cimbres.

Mais Sylla m’objecte que je possède des biens