Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reconnaissant , quand même je pourrais donner ma vie h chacun de vous. Car la vie et la mort sont les droits de la nature : mais une existence honorable parmi ses concitoyens , mais une réputation et une fortune intactes , voilà des choses qui ne se donnent et ne se reçoivent qu’à titre de dons.

Vous nous avez faits consuls, Romains, dans un moment où la république avait les plus grands embarras au-dedans et au-dehors. En effet , nos généraux en Espagne demandent de l’argent , des soldats , des armes , du blé : l’clat des affaires les y contraint , car, par suite de la défection des alliés et de la retraite de Sertorlus dans les montagnes , ils ne peuvent ni combattre, ni se pourvoir de ce qu’il leur faut. Nous sommes obligés, à cause des forces immenses de Mitbridate, d’entretenir des armées en Asie et en Cilicie ; la Macédoine est pleine d’ennemis ; il en est de même des côtes de l’Italie et des provinces : en même temps les impôts diminués et rendus incertains par la guerre couvrent à peine une partie des dépenses : de sorte que la flotte qui portait nos approvisionnements est devenue moins nombreuse que par le passé. Si ces maux ont été le résultat de notre trahison ou de notre négligence, suivez l’inspiration de votre colère, livrez-nous au supplice : mais si c’est la même fortune qui nous est contraire , pourquoi vous porter à des actes indignes de vous , de nous et de la république ? Pour moi, celte mort dont mon âge me rapproche , je ne la refuse pas, si par elle je puis en quelque chose alléger vos maux ; et , comme je suis prêt à le faire , je ne saurais mieux terminer une vie irréprochable qu’en la donnant pour votre salut. Me voici donc , moi, C. Cotta, votre consul : je fais ce qu’ont fait souvent nos ancêtres dans des guerres difficiles ; je me dévoue , je me sacrifia pour la république. A vous ensuite de voir autour de vous à qui vous la confierez : car nul homme de bien ne voudra d’un tel honneur, lorsqu’il faudra qu’il réponde et de la fortune, et de la mer, et d’une guerre dirigée par d’autres, ou qu’il meure dans la honte. Seulement rappelez-vous que moi , ce ne sera point pour un crime ou pour des malversations que j’aurai été mis à mort , mais parce que , de mon plein gré , j’ai voulu donner ma vie en retour des plus grands bienfaits.

Par vous-mêmes , Romains, et par la gloire de vos ancêtres , je vous en conjure, supportez l’adversité et pensez à la république. A l’empire du monde sont attachés bien des soucis , de nombreux et d’immenses travaux ; et c’est en vain que vous voudriez vous y soustraire et que vous demanderiez les jouissances de la paix , lorsque toutes les provinces , tous les royaumes , toutes les terres et toutes les mers sont dévastés et épuisés par nos guerres.