Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/197

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et ses débiteurs dont la foule était grande : secondé par eux, il put se soustraire au jugement. Les citoyens, indignés de cette conduite, voulaient maintenir leur droit par les armes, et les magistrats rassemblaient la population des campagnes, lorsque Orgétorix mourut. Il y a lieu de penser, selon l’opinion des Helvètes, qu’il se donna lui-même la mort.

V. Cet événement ne ralentit pas l’ardeur des Helvètes pour l’exécution de leur projet d’invasion. Lorsqu’ils se croient suffisamment préparés, ils incendient toutes leurs villes au nombre de douze, leurs bourgs au nombre de quatre cents et toutes les habitations particulières ; ils brûlent tout le blé qu’ils ne peuvent emporter, afin que, ne conservant aucun espoir de retour, ils s’offrent plus hardiment aux périls. Chacun reçoit l’ordre de se pourvoir de vivres pour trois mois. Ils persuadent aux Raurakes[1], aux Tulinges[2] et aux Latobriges[3], leurs voisins, de livrer aux flammes leurs villes et leurs bourgs, et de partir avec eux. Ils associent à leur projet et s’adjoignent les Boïes[4] qui s’étaient établis au-delà du Rhin, dans le Norique, après avoir pris Noréia.

VI. Il n’y avait absolument que deux chemins par lesquels ils pussent sortir de leur pays : l’un par la Séquanie[5], étroit et difficile, entre le Jura et le Rhône, où pouvait à peine passer un chariot ; il était dominé par une haute montagne, et une faible troupe suffisait pour en défendre l’entrée ; l’autre, à travers notre Province, plus aisé et plus court, en ce que le Rhône, qui sépare les terres des Helvètes de celles des Allobroges[6], nouvellement soumis[7], est guéable en plusieurs endroits, et que la dernière ville des Allobroges, Genève, est la plus rapprochée de l’Helvétie, avec laquelle elle communique par un pont. Ils crurent qu’ils persuaderaient facilement aux Allobroges, qui ne paraissaient pas encore bien fermement attachés au peuple romain, de leur permettre de traverser leur territoire, ou qu’ils les y contraindraient par la force. Tout étant prêt pour le départ, ils fixent le jour où l’on doit se réunir sur la rive du Rhône. Ce jour était le 5 avant les calendes d’avril[8], sous le consulat de L. Pison et de A. Gabinius.

VII. César (3), apprenant qu’ils se disposent à passer par notre Province, part aussitôt de Rome, se rend à grandes journées dans la Gaule ultérieure et arrive à Genève (4). Il ordonne de lever dans toute la province le plus de soldats qu’elle peut fournir (5) (il n’y avait qu’une légion dans la Gaule ultérieure), et fait rompre le pont de Genève. Les Helvètes, avertis de son arrivée, députent vers lui les plus nobles de leur cité, à la tête desquels étaient Namméius et Verucloétius (6), pour dire qu’ils avaient l’intention de traverser la province, sans y commettre le moindre dom-

  1. Peuple de Bâle
  2. Peuple de Stubling en , à ce qu’on suppose.
  3. Peuple méconnu, habitant probablement sur la rive septentrionale du Rhin.
  4. Peule de la Bavière.
  5. La Franche-Comté.
  6. All-Brag (gaël), hauts-lieux. Leur territoire comprend aujourd’hui la Savoie, une partie du Dauphiné et du canton de Genève.
  7. Par le préteur C. Pomptiunis
  8. An de Rome 696.