Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/216

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res avec toute sa cavalerie pour effrayer nos soldats et interrompre les travaux. Néanmoins, César, selon qu’il l’avait arrêté d’avance, ordonna aux deux premières lignes de repousser l’attaque, à la troisième de continuer le retranchement. Le camp une fois fortifié, César y laissa deux légions et une partie des auxiliaires, et ramena les quatre autres au camp principal.

L. Le lendemain, selon son usage, il fit sortir ses troupes des deux camps, et, s’étant avancé à quelque distance du grand, il les mit en bataille et présenta le combat aux ennemis. Voyant qu’ils ne faisaient aucun mouvement, il fit rentrer l’armée vers le milieu du jour. Alors seulement Arioviste détacha une grande partie de ses forces pour l’attaque du petit camp. Un combat opiniâtre se prolongea jusqu’au soir. Au coucher du soleil, Arioviste retira ses troupes ; il y eut beaucoup de blessés de part et d’autre. Comme César s’enquérait des prisonniers pourquoi Arioviste refusait de combattre, il apprit que c’était la coutume chez les Germains de faire décider par les femmes, d’après les sorts et les règles de la divination, s’il fallait ou non livrer bataille, et qu’elles avaient déclaré toute victoire impossible pour eux, s’ils combattaient avant la nouvelle lune (21).

LI. Le jour suivant (22), César laissa dans les deux camps une garde qui lui parut suffisante, et plaça en présence des ennemis toutes les troupes auxiliaires (23), en avant du petit. Comme le nombre des légionnaires était inférieur à celui des Germains, les alliés lui servirent à étendre son front. Il rangea l’armée sur trois lignes et s’avança contre le camp ennemi. Alors, les Germains, forcés enfin de combattre, sortirent de leur camp et se placèrent, par ordre de nations à des intervalles égaux, Harudes, Marcomans[1], Tribokes[2], Vangions[3], Némètes[4], Séduses[5], Suèves[6] ; ils formèrent autour de leur armée une enceinte d’équipages et de chariots, afin de s’interdire tout espoir de fuite. Placées sur ces bagages, les femmes tendaient les bras aux soldats qui marchaient au combat, et les conjuraient en pleurant de ne les point livrer en esclavage aux Romains.

LII. César mit à la tête de chaque légion un de ses lieutenants et un questeur, pour que chacun eût en eux des témoins de sa valeur. Il engagea le combat par son aile droite, du côté où il avait remarqué que l’ennemi était le plus faible. Au signal donné, les soldats se précipitèrent avec une telle impétuosité et l’ennemi accourut si vite qu’on n’eut pas le temps de lancer les javelots ; on ne s’en servit point, et l’on combattit de près avec le glaive. Mais les Germains, ayant promptement formé leur phalange accoutumée, soutinrent le choc de nos armes. On vit alors plusieurs de nos soldats s’élancer sur cette phalange, arracher avec la main les boucliers de l’ennemi, et le blesser en le frappant d’en haut. Tandis que l’aile gauche des Germains était rompue et mise en déroute, à l’aile droite les masses ennemies nous pressaient vive-

  1. Position incertaine.
  2. Alsace.
  3. Territoire de Worms.
  4. Spire.
  5. Peuplade inconnue, mais habitant sur les bords du Rhin.
  6. Souabe et pays voisins.