Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/224

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le bord opposé, à deux cents pas environ. La partie inférieure en était découverte et la cime assez boisée pour que la vue ne pût y pénétrer. L’ennemi se tenait caché dans ce bois : dans la partie découverte, le long de la rivière, se voyaient quelques postes de cavalerie. Cette rivière avait une profondeur d’à peu près trois pieds.

XIX. César avait envoyé sa cavalerie en avant et suivait avec toutes ses troupes ; mais l’ordre de marche différait de ce que les Belges avaient rapporté aux Nerviens ; car, en approchant de l’ennemi, César, selon son usage, s’avançait avec six légions sans équipages ; venaient ensuite les bagages de toute l’armée, sous la garde de deux légions nouvellement levées, qui fermaient la marche. Nos cavaliers passèrent la Sambre avec les frondeurs et les archers, et engagèrent le combat avec la cavalerie des ennemis. Ceux-ci tour à tour se repliaient dans le bois vers les leurs et en sortaient de nouveau pour fondre sur nous ; mais les nôtres n’osaient les poursuivre au-delà de l’espace découvert. Cependant les six légions qui étaient arrivées les premières, s’étant partagé le travail, se mirent à fortifier le camp. Dès que les ennemis cachés sur la hauteur aperçurent la tête de nos équipages (c’était le moment qu’ils avaient fixé pour l’attaque), ils sortirent dans le même ordre de bataille qu’ils avaient formé dans le bois, s’élancèrent tout à coup avec toutes leurs forces et tombèrent sur notre cavalerie. Ils la culbutèrent sans peine, la mirent en désordre, et coururent vers la rivière avec une si incroyable vitesse qu’ils semblaient être presque au même instant dans le bois, et au milieu de la rivière, et sur nos bras. Ce fut avec la même promptitude qu’ils attaquèrent notre colline, notre camp et les travailleurs occupés à le retrancher (3).

XX. César avait tout à faire à la fois : il fallait planter l’étendard qui donnait le signal de courir aux armes, faire sonner les trompettes, rappeler les travailleurs, rassembler ceux qui s’étaient écartés pour chercher les matériaux des retranchements, ranger l’armée en bataille, haranguer les soldats et donner le mot d’ordre (4). De tant de choses à faire, la brièveté du temps et le choc victorieux de l’ennemi en rendaient une grande partie impossible. À côté de ces difficultés, s’offraient pourtant deux ressources, l’expérience et l’habileté des soldats qui, instruits par les combats antérieurs, pouvaient se tracer à eux-mêmes leur conduite aussi bien que l’eussent fait des chefs, et ensuite, près de chaque légion, la présence des lieutenants à qui César avait défendu de s’éloigner avant que le camp fût fortifié. Ces lieutenants, pressés par de si agiles assaillants, n’attendaient plus les ordres de César, et faisaient de leur propre autorité ce qu’ils jugeaient le plus convenable.

XXI. César, après avoir pourvu au plus nécessaire, courut exhorter les soldats, selon que le hasard les lui offrait, et arriva à la dixième légion. Pour toute harangue, il lui dit de se souvenir de son ancienne valeur, de ne point se troubler, et de soutenir vigoureusement le choc des ennemis ; et, comme ceux-ci n’étaient plus qu’à la