Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/225

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portée du trait, il donna le signal du combat. Il partit pour faire ailleurs la même exhortation ; on était déjà aux prises. L’engagement avait été si rapide, et l’ennemi si impatient de combattre, que l’on n’avait eu le temps ni de revêtir les insignes du commandement, ni même de mettre les casques (5) et d’ôter l’enveloppe des boucliers. Chaque soldat en revenant des travaux se plaça au hasard près du premier drapeau qu’il aperçut, afin de ne pas perdre, à chercher le sien, le temps de la bataille.

XXII. L’armée s’était rangée plutôt comme l’avaient permis la nature du terrain, la pente de la colline et le peu de temps, que comme le demandaient les règles de l’art militaire. Comme les légions soutenaient l’attaque de l’ennemi, chacune de son côté, séparées les unes des autres par ces haies épaisses qui, comme nous l’avons dit précédemment, interceptaient la vue, on ne pouvait ni placer des réserves où il en fallait, ni pourvoir à ce qui était nécessaire sur chaque point, ni faire émaner tous les ordres d’un centre unique. De cette confusion générale, s’ensuivaient des accidents et des fortunes diverses.

XXIII. Les soldats de la neuvième et de la dixième légion, placés à l’aile gauche de l’armée, après avoir lancé leurs traits, tombèrent sur les Atrébates, fatigués de leur course, hors d’haleine, percés de coups, et qui leur faisaient face. Ils les repoussèrent promptement de la hauteur jusqu’à la rivière, qu’ils essayèrent de passer ; mais on les poursuivit l’épée à la main, et on en tua un grand nombre au milieu des difficultés de ce passage. Les nôtres n’hésitèrent pas de leur côté à traverser la rivière ; mais, s’étant engagés dans une position désavantageuse, l’ennemi revint sur ses pas, se défendit, et recommença le combat ; il fut mis en fuite. Sur un autre point, deux de nos légions, la onzième et la huitième, avaient battu les Viromandues, avec lesquels elles en étaient venues aux mains, et les menaient battant depuis la hauteur jusque sur les rives mêmes de la Sambre. Mais ces mouvements du centre et de l’aile gauche avaient laissé le camp presque entièrement à découvert ; l’aile droite se composait de la douzième légion et de la septième, placées à peu de distance l’une de l’autre : ce fut sur ce point que se portèrent, en masses très serrées, tous les Nerviens conduits par Boduognat[1], leur général en chef. Les uns enveloppèrent nos légions par le flanc découvert, les autres gagnèrent le haut du camp.

XXIV. En ce moment, nos cavaliers et nos fantassins armés à la légère, qui avaient été, comme je l’ai dit, repoussés ensemble par le premier choc des ennemis, et qui revenaient au camp, les rencontrèrent de front et s’enfuirent de nouveau dans une autre direction. Les valets de l’armée qui, de la porte Décumane (7) et du sommet de la colline, avaient vu les nôtres traverser la rivière en vainqueurs, et étaient sortis pour piller, s’étant aperçus, en se retournant, que l’ennemi occupait notre camp, prirent précipitamment la fuite. On entendait en même temps les cris d’épouvante des conducteurs de bagages,

  1. Buddig-nat, fils de la Victoire.