Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/235

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avaient aisément l’avantage, surtout dans une action qui se passait sous les yeux de César et de toute l’armée ; aucun trait de courage ne pouvait rester inaperçu ; car toutes les collines et les hauteurs, d’où l’on voyait la mer à peu de distance, étaient occupés par l’armée.

XV. Dès qu’un vaisseau était ainsi privé de ses vergues, deux ou trois des nôtres l’entouraient, et nos soldats, pleins d’ardeur, tentaient l’abordage. Les barbares ayant, par cette manœuvre, perdu une partie de leurs navires, et ne voyant nulle ressource contre ce genre d’attaque, cherchèrent leur salut dans la fuite : déjà ils avaient tourné leurs navires de manière à recevoir le vent, lorsque tout à coup eut lieu un calme plat qui leur rendit tout mouvement impossible. Cette heureuse circonstance compléta le succès ; car les nôtres les attaquèrent et les prirent l’un après l’autre, et un bien petit nombre put regagner la terre à la faveur de la nuit, après un combat qui avait duré depuis environ la quatrième heure du jour jusqu’au coucher du soleil.

XVI. Cette bataille mit fin à la guerre des Vénètes et de tous les états maritimes de cette côte (2) ; car toute la jeunesse et même tous les hommes d’un âge mûr, distingués par leur caractère ou par leur rang, s’étaient rendus à cette guerre, pour laquelle tout ce qu’ils avaient de vaisseaux en divers lieux avait été rassemblé en un seul. La perte qu’ils venaient d’éprouver ne laissait au reste des habitants aucune ressource pour la retraite, aucun moyen de défendre leurs villes. Ils se rendirent donc à César avec tout ce qu’ils possédaient. César crut devoir tirer d’eux une vengeance éclatante, qui apprît aux barbares à respecter désormais le droit des ambassadeurs. Il fit mettre à mort tout le sénat, et vendit à l’encan le reste des habitants (3).

XVII. Tandis que ces événements se passaient chez les Vénètes, Q. Titurius Sabinus arrivait sur les terres des Unelles avec les troupes qu’il avait reçues de César. Viridovix était à la tête de cette nation et avait le commandement en chef de tous les états révoltés, dont il avait tiré une armée et des forces redoutables. Depuis peu de jours les Aulerques Éburoviques[1] et les Lexoves, après avoir égorgé leur sénat qui s’opposait à la guerre, avaient fermé leurs portes et s’étaient joints à Viridovix. Enfin de tous les points de la Gaule était venue une multitude d’hommes perdus et de brigands que l’espoir du pillage et la passion de la guerre avaient arrachés à l’agriculture et à leurs travaux journaliers. Sabinus se tenait dans son camp situé sur le terrain le plus favorable, pendant que Viridovix, campé en face de lui à une distance de deux milles, déployait tous les jours ses troupes, et lui offrait la bataille, de sorte que Sabinus s’attirait non seulement le mépris des ennemis, mais encore les sarcasmes de nos soldats. L’opinion qu’il donna de sa frayeur était telle que déjà l’ennemi osait s’avancer jusqu’aux retranchements du camp. Le motif de Sabinus pour agir ainsi était qu’il ne croyait pas

  1. Peuple d’Évreux.