Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
12
VIE DE SALLUSTE.

le capital de trois successions considérables, tant à ces fêles qu’aux autres frais de sa poursuite. A la magnificence, il joignit la force. Ses deux concurrents l’imilèrent. Tous les jours on voyait trois camps sur la place romaine, et la guerre civile dans le sein de Rome. Les massacres ne finissaient point ; les personnnes les plus respectables n’étaient pas à l’abri de l’insulte : le consul Calvinus fut un jour blessé si grièvement que Messala , son collègue , et lui , déclarèrent qu’ils ne se mêleraient plus désormais de tenir l’assemblée oi’i leurs successeurs devaient être nonunés ; car il n’y avait encore ni consuls ni préteurs. Sur quoi Salluste et ses collègues proposèrent de nommer , comme autrefois, des tribuns niililaires au lieu de consuls. Celte proposition n’étant pas écoutée , on renouvela celle de créer Pompée dictateur. Pour ne point paraître y avoir part , il s’était retiré dans son jardin du faubourg, d’où il traversait sous mains l’ilection des consuls pendant que ses amis criaient (juil n’y avait que lui assez pui.-isant dans l’état pour mettre remède aux mallieurs présents. Mais Caton s’éleva vivement contre une telle entreprise. Son suffrage entraîna sans peine toute la nation, nouvellement frappée de la plaie que la tyrannie de Sylla venait de lui faire sous ce litre. Alors, Pompée, assuré de ne pas réussir, refusa ouvertement cette dignité ; modération dont les sots furent seuls les dupes ; mais c’était le grand nombre.

Huit mois s’écoulèrent dans celle agilalion. A la lin de janvier 702 la républi(|ue se voyait une seconde fois sans chefs, depuis le premier de l’an. Le sénat , pour frapper le peuple par un spectacle singulier, quitta son véleuient ordinaire, et s’assembla en habits de chevalier. Dans celle assemblée on décida que les magistrats qui seraient élus n’auraient des gouvernements que cinq ans après ; dans l’espérance de ralentir ainsi la chaleur des poursuites. On y proposa aussi de remettre à Pompée le droit de présider aux élections. Cette proposition fut encore combattue par Galon, « (|ni dit que les lois ne » devaient pas tirer leur protection de Pompée , » mais Pompée d’elles. » Le sénat revint donc à la oe ordinaire de nommer un entre-roi , comme en pareil cas on a aiicoutume de le faire, à défaut d’autres magistrats. Pompée , ne perdant pas encore de vue son premier projet , fut d’avis contraire. Munialius, qui lui était tout dévoué, y mit opposition formelle , en sa qualité de tribun. L’opposition était si fort dénuée de raison apparente , qu’il fut bieniot obligé de la lever. Lépide fut nommé entre-roi, sans (pie pour cela les choses fussent plus avancées ; car le premier entre-roi ne pouvait rien faire ; il fallait (piil laissât les opérations au second ou autre de ses successeurs , au même titre, tant on craignait l’abus d’ime magistrature unique et suprême , dont le nom sonnait encore la royaiUi.’.

Au milieu de ces incerliludes , le mal éclata puf un coup de hasard. Le 20 janvier, sur le soir, entie trois et quatre heures [circa huramnonam), Milon s’en allait à Lanuvium , sa patrie , oii il était dictateur, pour la cérémonie de l’installalion d’un prêtre llamine, qu’il devait faire le lendemain. Il élail enveloppé d’un gros manieau dans sa voiture , avec Fausta sa femme , et Fusius son ami , suivi d’environ trois cents domestiques. Au sortir de Rome un peu au-delà du faubourg des Bouvilles , il rencontra , près du petit temple de la bonne déesse , et du tombeau de Bazile , Clodius qui revenait à cheval d’Aricie où il était allé de Rome le matin du même jour voir ses ouvriers , accompagné de Cassinius Scliola , chevalier romain , de deux bourgeois, Pomponius et C. Clodius, et d’une trentaine d’esclaves armés ; ils passèrent réciproquement sans se rien dire. Mais deux gladiateurs de la suite de Milon, restés en arrière, eurent quelque prise avec les gens de Clodius. A ce bruit Clodius s’étant retourné d’un air mena(,anl , Byrria le renversa de cheval d’un coup d’epée d’escrime dont il lui perça l’épaule. Lu -dessus , la mèh e s’échauffa entre les domestiques des deux partis. Milon y accourut ; il apprit que Clodius élail blessé , et qu’on venait de le transporter tout sanglant dans une auberge du faubourg. Sur le champ il fil nflexion que cette aventure l’exposait plus que jamais aux fureurs de Clodius , qu’il ne risquerait guère plus à s’en défaire tout à fdit qu’à l’avoir blessé ; qu’alors , au moins , ce serait beaucoup que de n’avoir plus en tête un pareil ennemi. Il fit altaquer par ses esclaves, Sauféius Fusténus à leur tête , lauberge où Clodius était caché. Les gens de Clodius , trop faibles en nombre, furent bientôt tués ou mis en fuite. On tira leur maître de la maison, et on l’acheva à coups d’épée. Milon , après ce coup , reprit le chemin de Lanuvium , où il donna la liberté à ses esclaves , sous prétexte qu’ils avaient défendu sa vie ; mais , dans le vrai, pour n’être pas obligé de les représenter en justice. Le corps de Clodius resta sur le grand chemin jus(prà ce que le sénateur Tédius, passant sur celte roule à l’entrée de la nuit, le fit mettre dans sa litière et reporter à Rome.

La nouvelle de ce meurtre y redoubla l’agiiation. Celait pour les esprits échauffés une cause assez marquée de nouveaux troubles ; même les gens indifférents , touchés de la fatalité de cette aventure , ne l’apprirent qu’avec indignation. Le même peuple, et grand nombre d’esclaves s’assemblèrent autour du corps de Clodius , qu’on avait étendu tout nu sous le vestibule de la belle maison qu’il venait d’acheter de Scaurus, dans le quartier Palatin. Sa femme Fulvie animait les spectateurs par ses cris, en leur montrant les blessures de son mari. Cependant Salluste allait de rues en rues achever d’ainiuler la populace, déjà terriblement irritée du