Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/272

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blées nocturnes dans les lieux écartés. Il ne se passa presque pas un seul jour de cet hiver que César n’eût des motifs d’inquiétude et ne reçût quelques avis des réunions et des mouvements des Gaulois. Ainsi, le lieutenant L. Roscius, qui commandait la treizième légion, lui fit savoir qu’un grand nombre de troupes gauloises des nations que l’on appelle Armoriques[1], s’étaient réunies pour l’attaquer, et n’étaient plus qu’à huit mille pas de ses quartiers ; lorsqu’à la nouvelle de la victoire de César, elles s’étaient retirées si précipitamment que leur départ ressembla à une fuite.

LIV. César, après avoir fait venir près de lui les principaux de chaque cité, effraya les uns en leur déclarant qu’il était instruit de leurs desseins, fit aux autres des exhortations, et contint dans le devoir une grande partie de la Gaule. Cependant les Sénons[2], nation très puissante et jouissant d’un grand crédit parmi les Gaulois, avaient, en plein conseil, résolu la mort de Cavarinos que César leur avait donné pour roi : il descendait des anciens chefs du pays, et Moritasgos, son frère, y régnait à l’arrivée de César en Gaule. Cavarinos qui, dans le pressentiment de son sort, s’était enfui, avait été poursuivi jusque sur leurs frontières et chassé du trône et de la cité. Ils avaient député vers César pour justifier leur conduite, et en avaient reçu l’ordre de lui envoyer tous leurs sénateurs, ordre auquel ils n’obéirent pas. Les Barbares étaient si fiers d’avoir trouvé parmi eux un peuple qui eût osé le premier faire la guerre aux Romains, et cela avait produit un tel changement dans l’opinion générale, qu’à l’exception des Héduens et des Rèmes, que César considéra toujours singulièrement, les uns pour leur ancienne et constante fidélité au peuple romain, les autres pour leurs services récents dans cette guerre, il n’y eut presque pas une cité qui ne nous fût suspecte. Et je ne sais, sans parler des autres motifs, s’il faut s’étonner qu’une nation qui l’emportait sur toutes les autres par le mérite militaire, et qui se voyait déchue de sa haute renommée, eût pu sans une vive douleur supporter le joug du peuple romain.

LV. Les Trévires et Indutiomaros ne cessèrent, durant tout l’hiver, d’envoyer des députés au-delà du Rhin, de solliciter les peuples à prendre les armes, de promettre des subsides, disant qu’une grande partie de notre armée ayant été massacrée, il ne nous en restait que de faibles débris. Cependant ils ne purent déterminer à passer le Rhin aucun des peuples germains, doublement avertis, par la guerre d’Arioviste et le sort des Tencthères, de ne plus tenter la fortune. Déchu de cet espoir, Indutiomaros n’en rassembla pas moins des troupes, les exerça, leva de la cavalerie chez les peuples voisins, et attira à lui de toutes les parties de la Gaule, par l’appât de grandes récompenses, les bannis et les condamnés. Il s’était déjà acquis, par ces moyens, un tel crédit dans la Gaule, que de tous côtés lui venaient des députations des villes et des particuliers, pour solliciter sa protection et son amitié.

LVI. Dès qu’il vit qu’on se ralliait à lui, que

  1. Les nations du littoral de l’Océan, une partie de la Normandie et toute la Bretagne.
  2. Peuple du Sénonais.