Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/363

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qu’il lui importait d’être au plus tôt maître de la ville, et de joindre à ses troupes les cohortes qui s’y trouvaient, de crainte que des largesses, une harangue ou de fausses nouvelles ne vinssent à changer les esprits, tout, à la guerre, dépendant du moment ; (2) craignant néanmoins que, dans la licence d’une entrée nocturne, la ville ne fût pillée par ses soldats, il se contenta de donner de grands éloges aux députés, et les renvoya en leur recommandant de s’assurer des portes et des remparts. (3) En même temps il place ses troupes le long des lignes, non plus de distance en distance, comme les jours précédents, mais de façon que les gardes et les sentinelles se touchent l’un l’autre et garnissent tous les retranchements. (4) Il fait faire des rondes par les tribuns et les préfets militaires, et leur recommande d’avoir toujours l’œil, non seulement sur les sorties, mais encore sur toute évasion d’individus isolés. (5) Personne dans l’armée n’eut le cœur assez mou, assez languissant, pour se permettre cette nuit-là un moment de repos. (6) Tous les esprits étaient dans l’attente de ce qui allait arriver ; tous, emportés loin d’eux-mêmes, se demandaient avec inquiétude ce que deviendraient et les habitants de Corfinium, et Domitius, et Lentulus, et les autres, et quelle serait la suite de ces événements.

22

(1) Vers la quatrième veille, Lentulus Spinther adresse la parole du haut de la muraille à nos sentinelles et à nos gardes, disant qu’il désire qu’on lui permette de parler à César. (2) La permission lui en ayant été accordée, il sort de la ville, et les soldats de Domitius ne le quittent que lorsqu’il est en présence de César. (3) Alors il lui demande la vie, il le conjure de l’épargner, invoque leur ancienne amitié, et lui rappelle les grandes bontés que César a eues pour lui : (4) ainsi il l’avait fait admettre dans le collège des pontifes, lui avait fait obtenir le gouvernement de l’Espagne au sortir de sa préture, et avait appuyé sa demande pour le consulat. (5) César l’interrompt, et lui dit qu’il n’a point quitté sa province avec de mauvaises intentions, mais pour se défendre des injures de ses ennemis, pour rétablir dans leur dignité les tribuns du peuple qu’on n’a bannis de la ville qu’à cause de lui, et pour recouvrer sa liberté et celle du peuple romain qu’opprime une faction. (6) Rassuré par ces paroles, Lentulus demande qu’il lui soit permis de retourner à la ville, afin que la grâce qu’il a obtenue serve aux autres de consolation et d’espoir ; car, dans leur effroi, plusieurs ne voient plus d’autre ressource que de s’arracher la vie. Cette permission lui est accordée ; il se retire.

23

(1) Dès que le jour parut, César fit venir devant lui tous les sénateurs, leurs enfants, les tribuns militaires et les chevaliers romains. (2) Il y avait, de l’ordre des sénateurs, L. Domitius, P. Lentulus Spinther, L. Cécilius Rufus, Sex. Quintilius Varus, questeur, L. Rubrius ; en outre le fils de Domitius, une foule d’autres jeunes gens, et un grand nombre de chevaliers romains et de décurions que Domitius avait fait venir des villes municipales. (3) Quand ils furent en sa présence, César les garantit des insultes et des reproches des soldats ;