Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/376

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des nôtres, et s’appliquaient à briser nos rames en passant. (2) S’ils étaient forcés d’en venir à l’abordage, l’expérience et l’habileté de leurs pilotes faisaient place à la valeur des montagnards. (3) Pour les nôtres, ils n’avaient que des rameurs et des pilotes mal exercés, tirés tout à coup des vaisseaux de transport, et ignorant même les termes de la manœuvre ; d’autre part la pesanteur de leurs vaisseaux en gênait les mouvements, et, faits à la hâte et de bois vert, ils ne pouvaient avoir la même vitesse. (4) Mais aussi, dès que l’on venait à s’approcher, ils ne s’inquiétaient nullement d’avoir affaire à deux vaisseaux à la fois ; et lançant la main de fer, ils les retenaient tous les deux, combattaient à droite et à gauche, et montaient à l’abordage. Après un grand carnage des Albiques et des pâtres, ils coulèrent à fond une partie de leurs vaisseaux, en prirent plusieurs, avec l’équipage, et chassèrent les autres dans le port. (5) Ce jour-là les Marseillais perdirent neuf galères, en comptant celles qui furent prises.

59

(1) Lorsque cette nouvelle arriva à César, dans son camp près d’Ilerda, son pont venait d’être achevé : les affaires changèrent de face aussitôt. (2) Les ennemis, effrayés du courage de notre cavalerie, ne s’aventuraient plus à courir avec la même liberté et la même audace. Tantôt ils fourrageaient à peu de distance de leur camp, afin de pouvoir s’y réfugier promptement ; tantôt ils prenaient de longs détours : ils évitaient nos gardes et nos postes de cavalerie, et au moindre échec, ou seulement à la vue de quelques-uns de nos cavaliers, ils jetaient leur charge au milieu du chemin et s’enfuyaient. (3) À la fin, ils avaient pris le parti de passer plusieurs jours sans aller au fourrage, et, contre la coutume, ils n’y allaient que la nuit.

60

(1) Cependant les Oscenses et les Callagurritains, qui dépendaient des Oscenses, envoient des députés à César, promettant d’obéir à ses ordres. (2) Les Tarraconnais, les Jacétains, les Ausétains, et peu de jours après les Illurgavoniens, peuple voisin de l’Èbre, suivent cet exemple. (3) César leur demande à tous du blé. Ils en promettent, et ayant rassemblé de toutes parts des bêtes de somme, en portent à son camp. (4) En outre, une cohorte d’lllurgavoniens, apprenant la résolution de leurs concitoyens, passe à lui avec ses enseignes. (5) Tout avait changé de face en un instant. Le pont achevé, cinq grandes cités s’étaient ralliées à César ; il avait du blé en abondance, on ne parlait plus de ces légions que Pompée devait amener par la Mauritanie, et plusieurs nations éloignées quittèrent le parti d’Afranius pour embrasser celui de César.

Inquiétude des Pompéiens

61

(1) Voyant les ennemis effrayés par ses succès, et ne voulant pas être obligé d’envoyer sa cavalerie chercher un pont au loin, César choisit un endroit convenable, et fit faire plusieurs fossés de trente pieds de large pour détourner une partie du Sicoris et la rendre guéable. (2) L’ouvrage à peine achevé, Afranius et Pétréius ont peur que César, avec sa cavalerie redoutée, ne leur coupe tout à fait les vivres et le fourrage, et en conséquence ils se décident à se retirer et à porter la