Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/379

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La cavalerie de César, disaient-ils, se répand la nuit dans la campagne et ferme tous les chemins : il faut éviter un combat de nuit, surtout dans une guerre civile, où d’ordinaire le soldat songe bien plus au danger qu’il court qu’à ses serments : (4) en plein jour, au contraire, la honte l’arrête, la présence des tribuns militaires et des centurions lui impose, et tout cela retient le soldat dans le devoir. (5) Par tous ces motifs, c’est pendant le jour qu’il faut s’ouvrir un passage : alors même que l’on éprouverait quelque perte, au moins le gros de l’armée se sauvera et pourra gagner le poste que l’on désire prendre." (6) Cet avis l’emporte au conseil, et le départ est décidé pour le lendemain au point du jour.

(1) César, quand le pays a été exploré, fait, à l’aube naissante, sortir du camp toutes ses troupes, et les conduit par un grand détour sans tenir de route certaine, parce que les ennemis étaient campés sur les divers chemins qui menaient à Octogésa et à l’Èbre. (2) Les soldats de césar eurent à traverser des vallées profondes et difficiles ; des roches escarpées leur barraient le chemin à chaque instant ; ils étaient obligés de se donner leurs armes de main en main, et de se soulever les uns les autres : ils firent ainsi une partie de la route. (3) Mais pas un ne se refusait à ces fatigues, dans l’espoir qu’elles seraient les dernières, s’ils parvenaient à couper à l’ennemi le chemin de l’Èbre et les vivres.

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(1) D’abord les soldats d’Afranius sortirent joyeux de leur camp pour nous voir passer, et nous poursuivirent de paroles insultantes : "Le défaut de vivres, disaient-ils, nous obligeait à fuir et à retourner à Ilerda." En effet, selon eux, nous prenions un chemin tout opposé à celui que nous aurions dû suivre. (2) Quant aux chefs ennemis, ils s’applaudissaient de s’être décidés à ne pas quitter le camp ; et comme ils nous voyaient partir sans bêtes de somme ni équipage, ils se confirmaient dans leur opinion ; ils se persuadaient que nous n’avions pu supporter plus longtemps la disette. (3) Mais, lorsqu’ils virent notre armée tourner peu à peu sur la droite, et que la tête de nos troupes avait déjà dépassé la hauteur de leur camp, tous, jusqu’aux plus lents, aux plus paresseux, pensèrent à sortir du camp et à marcher à notre rencontre. (4) On crie donc aux armes, et toutes les troupes, sauf quelques cohortes laissées à la garde du bagage, sortent et vont droit à l’Èbre.

Lutte de vitesse. Échec des Pompéiens

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(1) Ce n’était qu’un combat de vitesse, à qui le premier occuperait les défilés et les montagnes. La difficulté des chemins retardait l’armée de César, et la cavalerie de César arrêtait la marche des troupes d’Afranius. (2) D’ailleurs, telle était la position d’Afranius, que s’il atteignait le premier ces montagnes, vers lesquelles tendait sa course, il évitait pour lui le péril, mais ne pouvait sauver ni les bagages de toute l’armée ni les cohortes qu’on avait laissées au camp, l’armée de César les tenant alors enfermées sans qu’il fût possible de les secourir. (3) César arriva le premier ; et, ayant trouvé une plaine au sortir de ces rochers, il s’y rangea en bataille en face de l’ennemi.