Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/384

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légions qui sont à l’ouvrage, rassemble toute la cavalerie, et se met aussi en bataille : car paraître éviter une action, contre l’attente des soldats et l’opinion de tous les siens, c’eût été se faire grand tort. (3) Cependant les motifs que l’on connaît l’empêchaient de souhaiter le combat, d’autant plus que le peu d’étendue du terrain ne permettait pas d’espérer, même après avoir mis l’ennemi en fuite, une victoire décisive : (4) en effet, d’un camp à l’autre il n’y avait guère que deux milles pieds. Les deux tiers de cet espace étaient occupés par les deux armées ; l’autre tiers, libre, était pour l’élan et pour le choc. (5) Si l’on en venait aux mains, la proximité des camps donnait aux vaincus une facile retraite dans leur fuite. Cette raison l’avait déterminé à tenir tête à l’attaque au lieu de l’engager le premier.

(1) L’armée d’Afranius était rangée sur deux lignes composées de cinq légions ; les cohortes auxiliaires répandues sur les ailes formaient un troisième rang. (2) Celle de César était sur trois lignes ; dans la première il avait placé quatre cohortes tirées de chacune des cinq légions ; dans la seconde trois, et autant dans la troisième : au milieu étaient les archers et les frondeurs, et la cavalerie sur les ailes. (3) Dans cet ordre de bataille, César et Afranius paraissaient l’un et l’autre s’en tenir à leur projet, le premier de ne point combattre, le second d’empêcher les travaux de César. Les deux armées restèrent en cet état jusqu’au soleil couché, après quoi chacun rentra dans son camp. (4) Le lendemain César essaie de continuer ses travaux, et Afranius cherche un gué pour passer le Sicoris. (5) César, s’en étant aperçu, fait traverser le fleuve à l’infanterie légère des Germains et à une partie de la cavalerie, et place sur le bord des postes nombreux.

Capitulation des Pompéiens. Discours d’Afranius

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(1) Enfin, assiégés de tous côtés, n’ayant pu, depuis quatre jours, donner du fourrage à leurs chevaux, manquant d’eau, de bois, de vivres, les généraux ennemis demandent une entrevue, et, autant que possible, dans un lieu éloigné des troupes. (2) César, avant refusé l’entrevue secrète, et offert de les entendre publiquement, on lui donne pour otage le fils d’Afranius, (3) et l’on se rend au lieu qu’il a désigné. Là, en présence des deux armées, Afranius prend la parole : "On ne doit pas, dit-il, leur reprocher à eux et à leurs troupes d’avoir voulu rester fidèles à Cn. Pompée leur général. (4) Mais ils ont satisfait à leur devoir ; ils ont assez souffert, assez enduré de privations de toute espèce. Maintenant, enfermés comme des femmes, ils n’ont pas même la liberté d’aller chercher de l’eau, ni de changer de place ; leurs corps ne sauraient plus longtemps supporter ces souffrances, ni leurs âmes cette honte : (5) ils s’avouent donc vaincus, et demandent avec prières que, s’il y a encore quelque pitié chez leurs ennemis ; ils ne soient pas réduits à la nécessité de se détruire eux-mêmes". Telles sont les paroles qu’il prononce du ton le plus humble et le plus soumis.

Réponse de César

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(1) À cela César répond qu’il n’est personne au monde à qui il convienne moins de se plaindre et d’implorer la pitié. (2) Tous les autres