Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/391

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Si, à l’arrivée de César, ils n’exécutaient pas ses ordres, un seul mot de lui suffirait pour les anéantir. (4) Mais si la tour s’écroulait entièrement, ajoutèrent-ils, rien ne pourrait contenir les soldats ; animés par l’espoir du butin ils envahiraient leur ville et la détruiraient de fond en comble. Les Marseillais, en hommes habiles, dirent ces choses et beaucoup d’autres du même genre en montrant une grande douleur et en versant des larmes.

(1) Touchés de leurs prières, les généraux font cesser les travaux et l’attaque, contents de laisser une garde aux ouvrages. (2) La compassion ayant établi une sorte de trêve, on attend l’arrivée de César. Ni d’une part ni de l’autre on ne lance plus de traits, et, comme si tout était fini, le zèle et l’activité se relâchent. (3) En effet, César avait, dans ses lettres, fortement recommandé à Trébonius d’empêcher que la ville ne fût prise d’assaut, de crainte que les troupes indignées de la défection et de la jactance des habitants, et des fatigues d’un long siège, n’en vinssent, comme elles en avaient menacé, à égorger toute la jeunesse. (4) On eut beaucoup de peine à les contenir ; elles voulaient entrer dans la ville par force, et elles furent vivement irritées contre Trébonius, qui seul, pensaient-elles, les empêchait de s’emparer de Marseille.

Les Marseillais incendient traîtreusement les ouvrages

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(1) Mais nos ennemis perfides, méditant une trahison, ne cherchaient que le temps et l’occasion de l’accomplir. Après un intervalle de quelques jours, les esprits étant calmes et sans défiance, tout à coup, sur le midi, tandis que les uns s’étaient éloignés, que les autres, fatigués du travail, dormaient dans les ouvrages, et que toutes les armes étaient posées et couvertes, ils font une sortie, et, à la faveur d’un vent violent, mettent le feu à nos travaux. (2) Le vent pousse la flamme à tel point, qu’en un instant la terrasse, les mantelets, la tortue, la tour, les machines sont embrasés : tout fut consumé avant qu’on en pût savoir la cause. (3) Les nôtres, frappés d’un malheur si subit, prennent les armes qui leur tombent sous la main ; plusieurs sortent du camp ; ils courent sur l’ennemi ; mais les traits lancés du haut des murs, les empêchent de poursuivre les fuyards. (4) Ceux-ci se retirent donc sous les murailles, et de là ils brûlent à loisir et la galerie et la tour de brique. Ainsi, par la trahison des assiégés et par la violence du vent, nous vîmes périr en un instant le travail de plusieurs mois. (5) Le lendemain, les Marseillais firent une nouvelle tentative ; favorisés par le même vent, ils sortirent en foule, attaquèrent avec plus de confiance encore une autre tour et la terrasse, et y portèrent la flamme. (6) Mais, au lieu que les jours précédents nos soldats s’étaient relâchés de leur vigilance habituelle, ce jour-là, avertis par l’événement de la veille, ils avaient tout préparé pour la défense. Aussi, après avoir tué beaucoup de monde à l’ennemi ils le chassèrent dans la ville sans qu’il eût rien fait.

Réfection des ouvrages détruits

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(1) Trébonius, ayant résolu de rétablir ce qui avait été détruit, trouva ses soldats disposés à le seconder avec ardeur : car ils étaient indignés de voir tant de peines perdues, tant de travaux inutiles, et que l’ennemi,