Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/430

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camp, virent l’armée ennemie marcher contre eux en bataille, et soudain tout changea. (2) En effet, la légion de Pompée, rassurée par l’espoir d’un prompt secours, s’efforça de résister de la porte décumane, et vint même nous attaquer vivement. La cavalerie de César, qui ne pouvait monter au retranchement que par un chemin des plus étroits, craignant pour sa retraite, commençait à fuir. (3) L’aile droite, séparée de la gauche, ayant remarqué cette épouvante de la cavalerie, se mit aussi à faire retraite par le même endroit par où elle avait pénétré, afin de n’être pas accablée dans les retranchements ; la plupart, de peur de s’engager dans un défilé, se jetaient dans des fossés de dix pieds, où les premiers, étant écrasés, aidaient la fuite des autres qui passaient par-dessus leurs corps. (4) L’aile gauche, qui du retranchement voyait Pompée arriver et les nôtres s’enfuir, craignant d’être enveloppée dans ce défilé étroit où elle aurait eu l’ennemi au dedans et au dehors, tâcha de se retirer par où elle était venue. Partout régnaient l’effroi, le désordre, la fuite : en vain César arrachait les enseignes aux mains des fuyards et leur ordonnait de faire face ; les uns abandonnaient leurs chevaux et couraient à toutes jambes ; les autres jetaient de peur leurs enseignes, et pas un ne s’arrêtait.

(1) Dans en si grand malheur, deux choses empêchèrent que l’armée ne fût entièrement détruite : d’abord Pompée, qui sans doute ne s’attendait pas à ce succès alors qu’il venait de voir ses troupes chassées de leur camp, craignit quelque embuscade, et hésita à s’approcher des retranchements. Ensuite sa cavalerie fut retardée par le passage étroit des portes qu’occupaient les soldats de César. (2) Ainsi les circonstances les plus frivoles eurent des deux parts des conséquences importantes. Le retranchement tiré du camp au fleuve empêcha l’entière et prompte victoire de César ; et ce même retranchement, en retardant la poursuite de l’ennemi, sauva notre armée.

Les pertes. Attitudes de Pompée et de Labiénus

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(1) Dans ces deux combats donnés le même jour, César perdit neuf cent soixante hommes, plusieurs chevaliers romains de distinction, Tuticanus Gallus, fils de sénateur ; C. Fléginas, de Plaisance ; A. Granius, de Pouzzoles ; M. Sacrativir, de Capoue, et trente-deux tribuns militaires ou centurions ; (2) mais la plupart périrent sans aucune blessure, écrasés dans le fossé, sur les retranchements, ou sur le bord du fleuve, par leurs compagnons qui fuyaient effrayés. Nous perdîmes aussi trente-deux enseignes. (3) Cette action valut à Pompée le titre d’imperator. Il le conserva, et souffrit désormais qu’on le saluât de ce nom ; mais cependant il n’entoura de lauriers ni ses lettres ni ses faisceaux. (4) Labiénus, ayant obtenu qu’il lui remît les prisonniers, il les promena à la tête du camp, cela sans doute pour mériter la confiance du parti qu’il venait d’embrasser ; et les appelant ses camarades, et leur demandant avec insulte si les vétérans avaient coutume de fuir, il les fit égorger publiquement.

Jactance des Pompéiens

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