Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/431

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Ce succès inspira tant, de confiance et d’orgueil aux soldats de Pompée, qu’ils ne pensaient plus à la guerre et qu’ils croyaient avoir remporté une victoire décisive. (2) Ils ne songeaient pas qu’ils en étaient redevables à notre petit nombre, au désavantage du poste où nous nous trouvions resserrés après avoir forcé leur camp, à l’effroi qu’occasionnait une double attaque du dedans et du dehors, et à la séparation de nos troupes, qui les empêchait de se porter de mutuels secours. (3) Ils ne remarquaient pas qu’il n’y avait pas eu de combat, de vive mêlée, et que nos soldats, en se précipitant en foule dans des passages trop étroits, s’étaient fait eux-mêmes plus de mal qu’ils n’en avaient reçu de l’ennemi. (4) Enfin, ils oubliaient les accidents si communs à la guerre, et combien de désastres avaient été produits par les plus petites causes, par un soupçon mal fondé, par une terreur panique, un scrupule ; et combien de fois une armée avait eu à souffrir de la faute d’un général ou de l’erreur d’un tribun. Joyeux, comme s’ils avaient vaincu par leur courage, et qu’ils n’eussent à redouter aucun changement de la fortune, ils annonçaient partout au loin, par des messages et par des lettres, la victoire qu’ils avaient remportée ce jour-là.

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(1) César, forcé de renoncer à son premier dessein, crut devoir changer entièrement son plan de campagne. (2) Dans cette vue, il retira à la fois toutes ses garnisons, renonça à l’attaque, rassembla sur un seul point toutes ses troupes, et, ayant convoqué les soldats pour les haranguer, il les exhorta à ne pas se laisser abattre par cet événement, et à ne pas s’inquiéter d’un revers assez léger après tant de succès. (3) "Ils devaient, ajouta-t-il, rendre grâce à la fortune d’avoir soumis l’Italie sans nulle peine, pacifié les deux Espagnes défendues par des peuples belliqueux et par les chefs les plus expérimentés et les plus habiles, et réduit en leur pouvoir les provinces voisines, si abondantes en blé. Ils ne devaient pas oublier non plus avec quel bonheur ils avaient passé sans nulle perte à travers les flottes ennemies, maîtresses de tous les ports et de toutes les côtes. (4) Si tout ne réussissait pas à leur gré, il fallait qu’ils s’appliquassent à seconder la fortune. C’était à son inconstance et non à leur général qu’ils devaient imputer le revers qu’on avait reçu : (5) le poste avait été bien choisi ; le camp ennemi avait été enlevé, et les soldats de Pompée chassés et défaits. Mais quel que fût le motif qui leur eût fait perdre une victoire qui semblait assurée, imprudence, erreur ou hasard, c’était à leur courage à tout réparer. (6) Alors le mal tournerait à bien, comme il était arrivé à Gergovie ; et ceux qui d’abord avaient redouté d’en venir aux mains, se présenteraient d’eux-mêmes au combat."

Mesures de César : il s’éloigne avec son armée et échappe à la poursuite de Pompée

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(1) Ce discours fini, il nota d’infamie plusieurs enseignes et les cassa. (2) À l’égard des troupes, elles ressentirent une si vive douleur de cet échec et montrèrent un tel désir d’en réparer le déshonneur, que tous, sans attendre l’ordre du tribun ou du centurion, s’imposaient, par punition, les plus rudes travaux. L’ardeur de combattre était générale, au point que plusieurs des principaux officiers, touchés