Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/675

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de butin ; car les vaincus étaient pauvres, et avaient eux-mêmes brûlé leurs armes. Rome ne triompha que d’un nom.

XIX. Jusqu’ici le peuple romain s’était montré beau, magnanime, pieux, juste et magnifique : le siècle qui reste à parcourir offre un spectacle également imposant ; mais aussi plus de troubles et de forfaits ; et les vices croissent avec la grandeur même de l’empire. Si l’on fait deux parts de son troisième âge, époque de ses guerres au-delà des mers, et qui comprend, dans mon calcul, un intervalle de deux cents ans, il faudra nécessairement avouer que les cent premières années, pendant lesquelles il a dompté l’Afrique, la Sicile et l’Espagne, ont été pour lui le siècle d’or, pour parler le langage des poètes ; et que les cent années qui suivirent furent véritablement un siècle de fer, de sang, et, s’il est possible, de pire. En effet, aux guerres de Jugurtha, des Cimbres, de Mithridate, des Parthes, des Gaulois et des Germains, qui firent monter notre gloire jusqu’au ciel même, se mêlent les meurtres des Gracches et de Drusus, puis la guerre des esclaves, et, pour comble de honte, celle des gladiateurs. Rome enfin tourne ses armes contre elle-même ; et, par les mains de Marius et de Sylla, bientôt après par celles de Pompée et de César, elle déchire son propre sein, comme dans le délire d’une fureur criminelle.

Bien que tous ces événements soient liés et confondus ensemble, il faudra cependant, pour qu’ils ressortent mieux, et en même temps pour que les vertus ne soient pas effacées par les crimes, les exposer séparément ; et d’abord, selon notre plan, nous retracerons ces guerres justes et légitimes que Rome a faites aux nations étrangères. Elles nous montreront l’accroissement successif de la grandeur de l’empire ; ensuite nous reviendrons aux crimes de nos troubles civils, à ces combats honteux et sacriléges.



LIVRE TROISIÈME.

I. — Guerre d’Asie. — (An de Rome 622-623. — Vainqueur de l’Espagne en Occident, le peuple romain était en paix avec l’Orient. Bien plus, par un bonheur inouï et sans exemple, des richesses royales, et en même temps des royaumes entiers lui étaient laissés en héritage.

Attale, roi de Pergame, fils du roi Eumènes, autrefois notre allié et notre compagnon d’armes, laissa ce testament : « J’institue le peuple romain héritier de mes biens. » Dans les biens du roi était compris son royaume. Le peuple romain avait donc recueilli l’héritage, et possédait cette province, non par le droit de la guerre, ni par la force des armes, mais, ce qui est plus légitime, en vertu d’un testament. Il la perdit cependant, et la recouvra avec une égale facilité. Aristonicus, prince du sang royal, jeune homme entreprenant, gagna aisément la plupart des villes accoutumées à obéir à des rois : il réduisit par la force le petit nombre de celles qui lui resistèrent, Minde[1], Samos[2], Colophon[3]. Il tailla en pièces l’armée du préteur

  1. Ville de Carie.
  2. Ile de la mer Egée.
  3. Ville d’Ionie, un peu au nord d’Ephèse.