Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/680

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de laurier remettre des lettres au préteur ; et le bruit de la défaite des Cimbres, répandu au théâtre, y fit de tous côtés crier : « Victoire ! » Quel prodige plus admirable, plus éclatant ! On eût dit que Rome, du haut de ses collines, assistait au spectacle de cette guerre, comme à un combat de gladiateurs, puisqu’au moment même où les Cimbres succombaient sur le champ de bataille, le peuple romain applaudissait dans ses murs.

V. — Guerre coutre les Thraces. — (An de Rome 639-682.) — Après les Macédoniens, les Thraces, autrefois leurs tributaires, osèrent, le croira-t-on ? se révolter contre nous. Non contents de faire des incursions dans les provinces voisines, telles que la Thessalie et la Dalmatie, ils les poussèrent jusqu’à la mer Adriatique, où, arrêtés par les barrières que la nature semblait leur opposer, ils lancèrent leurs traits contre les eaux.

Il n’est aucun raffinement de cruauté que, pendant tout le cours de ces invasions, ils ne fissent souffrir à leurs prisonniers. Ils offraient aux dieux des libations de sang humain, buvaient dans des crânes (6), et, ajoutant même un horrible jeu aux supplices de la mort, faisaient périr ceux-ci par le feu, ceux-là par la fumée ; ils arrachaient aussi, à force de tourments, du sein des femmes enceintes, le fruit qu’elles portaient.

Les plus féroces de tous les Thraces étaient les Scordisques[1], qui alliaient d’ailleurs la ruse au courage. La disposition de leurs forêts et de leurs montagnes favorisait ces mœurs. Non seulement ils battirent et mirent en fuite, mais, ce qui ressemble à un prodige, ils anéantirent toute l’armée que Caton[2] conduisit contre eux. Didius les ayant trouvés errants et dispersés sans ordre pour piller, les repoussa dans la Thrace. Drusus les chassa plus loin, et leur interdit le passage du Danube. Minucius ravagea leur pays tout le long de l’Ébre[3], non sans perdre un grand nombre de soldats, en les faisant passer à cheval sur la glace perfide du fleuve. Pison franchit le Rhodope[4] et le Caucase[5] ; Curion s’avança jusqu’aux frontières de la Dacie ; mais il recula devant leurs ténébreuses forêts. Appius pénétra jusque chez les Sarmates ; Lucullus[6], jusqu’au Tanaïs et aux Palus-Méotides, dernières limites de ces nations. On ne put dompter ces sanguinaires ennemis qu’en imitant leurs usages. On tourmenta donc les prisonniers par le fer et par le feu. Mais rien ne parut plus affreux à ces Barbares, que de se voir, quand on leur eut coupé les mains, forcés de survivre à leur supplice (7).

VI. — Guerre de Mithridate. — (An de Rome 664-690.) — Les nations pontiques s’étendent du septentrion au Pont-Euxin, dont elles tirent leur nom. Æetes est le plus ancien roi de ces peuples et de ces régions. Plus tard, elles furent gouvernées par Artabaze, issu des sept Perses[7], et depuis par Mithridate, le plus grand, sans contredit, de tous ces princes[8]. Il nous avait suffi de quatre ans de combats contre Pyrrhus, de dix-sept contre Annibal. Mithridate nous résista pendant qua-

  1. Peuple gaulois d’origine établi sur les confins de la Thrace, au confluent de la Save et du Danube.
  2. Le petit-fils du censeur.
  3. FLeuve de Thrace, aujourd’hui Mariza.
  4. Montagne de la Thrace.
  5. Chaînes de montagnes dans la Colchide, entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne.
  6. Le frère du fameux Lucullus.
  7. V. Justin, l. 1 c. 9
  8. V. id. l. 37. et 38.