Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/702

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dans le sang du vainqueur, versé au sein même de Rome, et au milieu du sénat.

La cause d’une si grande calamité fut la même qui avait produit toutes les autres, l’excès de la prospérité. Sous le consulat de Quinctus Métellus et de Lucius Afranius, tandis que la majesté romaine éclatait dans tout l’univers, et que Rome chantait, sur les théâtres de Pompée (6), ses victoires récentes, et ses triomphes sur les peuples du Pont et de l’Arménie, le pouvoir illimité de ce général excita, comme c’est l’ordinaire, l’envie des citoyens oisifs Métellus, irrité d’avoir vu diminuer l’éclat de son triomphe de Crète ; Caton, l’adversaire des hommes puissants qu’il traversait toujours, ne cessaient de décrier Pompée et de censurer ses actes. De là le ressentiment qui poussa celui-ci contre ses ennemis, et le contraignit à chercher des appuis pour soutenir son crédit.

Crassus brillait alors par l’éclat de sa naissance, par ses richesses, par son influence ; avantages qu’il aurait cependant voulu augmenter encore. Caius César puisait dans son éloquence, dans son courage et dans le consulat, qu’il venait d’obtenir, de hautes espérances. Toutefois, Pompée s’élevait au-dessus de l’un et de l’autre. César aspirait donc ainsi à fonder, Crassus à accroître, Pompée à conserver sa puissance ; et tous, également avides d’autorité, s’accordèrent sans peine pour se saisir de la république. Aussi, se prêtant, pour leur élévation particulière, le mutuel appui de leurs forces, ils s’emparent, César de la Gaule, Crassus de l’Asie, Pompée de l’Espagne ; ils disposent de trois grandes armées, et cette association donne à trois chefs l’empire du monde.

Cette domination dura dix ans parce qu’ils restaient unis par une crainte mutuelle. A la suite de la mort de Crassus chez les Parthes, et de celle de Julie, fille de César, qui, mariée avec Pompée, avait maintenu, par ce mariage, la concorde entre le gendre et le beau-père, et leur jalousie éclata tout à coup. Le crédit de César était déjà suspect à Pompée, et l’autorité de Pompée insupportable à César. Celui-ci ne voulait pas d’égal, celui-là, de supérieur (7). Dans leur criminelle rivalité, ils se disputaient la première place, comme si la fortune d’un empire aussi vaste n’eût pu suffire à tous les deux (8).

Sous le consulat de Lentulus et de Marcellus, le premier lien de cette conjuration contre la république étant brisé, le sénat, c’est-à-dire Pompée, délibéra sur le remplacement de César[1]. Celui-ci ne refusait pas un successeur, pourvu qu’on tînt compte de lui dans les prochains comices. Le consulat, que les dix tribuns lui avaient naguère, grâce à Pompée, décerné en son absence, le même Pompée intriguait alors sourdement pour l’en écarter. On exigeait qu’il vînt, selon l’antique usage, solliciter en personne. A ces prétentions, il ne cessait d’opposer le décret rendu en sa faveur (9). « Il ne congédierait son armée, qu’autant que ce décret serait fidèlement exécuté. » On le déclara donc ennemi public. Outré de ces rigueurs, il résolut de défendre les armes à la main ce qu’il avait acquis par les armes.

Le premier théâtre de la guerre civile fut l’Italie, où Pompée n’avait mis dans les places fortes que de faibles garnisons (10). La brusque impétuosité de César lui soumit tout. La trompette

  1. Dans le gouvernement des Gaules.