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CONTES

leurs géométries éternelles. Le silence était immense ; il n’entendait rien que le bruissement continu de l’eau le long de la coque du vaisseau. Alors son âme s’exaltait ; le mystère qui s’exhale du monde dans le calme des grandes heures nocturnes l’étreignait violemment.

« Grande mer, ciel profond, s’écriait-il, que vous êtes admirables ! Mais cette âme qui s’émeut en moi à vous contempler n’est-elle pas plus admirable encore ? N’est-ce point vers elle seule que toutes vos splendeurs convergent, puisqu’elle seule peut en témoigner ? Oui, je le sens, précisément en des heures pareilles, elle aussi porte un monde en elle, un monde plus grand et plus magnifique que le vôtre, et qui contient des mers et des étoiles que vous ne connaîtrez jamais… » Ses paroles montaient ainsi dans l’ombre, toujours plus vibrantes de ferveur ; mais le souffle de la nuit atlantique passait sur sa face comme une caresse ; alors, levant les bras, il laissait la