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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

Glacé et mourant, Rovère se traîna, gravit les pentes hérissées de chardons où ses pieds s’ensanglantaient et découvrit une route. Un peu de réconfort lui vint et il se remit en marche. À droite et à gauche se déroulaient des plaines arides ; nulle habitation n’apparaissait ; dans le ciel mélancolique, des oiseaux blancs volaient en jetant par moments un petit cri aigu, et, de place en place, se dressaient de grands crucifix de pierre. Rovère sentait le froid gagner son cœur. Brusquement, à un tournant du chemin, il s’arrêta et demeura immobile. Devant lui s’étendaient d’immenses marais, bornés à l’horizon par des sapins tragiques ; au fond, un antique manoir dressait ses tours puissantes et nues, et l’eau métallique d’un étang réfléchissait sa masse sinistre avec la netteté d’un extraordinaire et funèbre miroir. L’Esprit de la Solitude flottait sur ces roseaux, sur ces forêts et sur ces pierres. Dans les herbes, une barque abandonnée pourrissait… Le jour baissait ; derrière