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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

qui excitait délicieusement la surprise, c’étaient ses grands yeux de couleur céruléenne, bleus comme le ciel et la mer, et qui promenaient lentement autour d’eux des regards étonnés, doux et lointains, comme les rayons de la première étoile qui brille à l’orient, quand le soleil n’est pas encore couché.

Élevé par les nymphes des bois sacrés qui lui donnèrent le doux nom d’Hyalis, il ne se mêla point aux jeunes chèvre-pieds de son âge. Leurs ébats turbulents lui déplaisaient, et il préférait être seul ; alors il inventait des plaisirs plus conformes à sa nature, et laissait errer parmi les plantes et les bêtes ses curiosités vagabondes. Déjà d’obscurs pressentiments s’éveillaient en lui, et devant ces visages solennels du monde, ― la Nuit, la Solitude ou le Silence, ― un émoi vague le saisissait, et une petite âme indécise montait dans l’eau pâle de ses yeux.

Sans cesse, il variait ses jeux : tantôt, couché à plat ventre dans l’herbe des clairières,